Pour bien penser, il me faut mensuellement des déjeuners avec mon amie la Gouze, parce que sinon rien ne va plus... Enfin, en fait, quand je dis bien penser, je mens: pour affirmer mes idées de merde, ou pour les garder envers et contre tout, il me faut une pause de 12 à 15h, une salade et une superbe tarte aux myrtilles avec ma copine qui défend la suprême logique contre mes raisonnements libres et surréalistes.
La Gouze dit que je suis totalitaire.
Ce terme plutôt peu flatteur vient du fait que, très récemment, je me suis rendue compte que j'étais pratiquement contre le dialogue. La Gouze me rétorque ironiquement que "tant mieux, parler aux autres c'est nul, et que l'autisme c'est hype". Je n'en suis pas là. Simplement, je crois que les notions basiques de psychologie de dialogue entre les êtres (qui sont très récentes d'ailleurs, une centaine d'années à peine) ne doivent pas être obligatoires et qu'avant le monde tournait pareil, sans avoir besoin de se mettre à une table, face-à-face, et de se dire:"Quand tu fais ceci, je ressens cela." Ce genre de truc, je suis très contre.
Le problème communicationnel est très assumé chez moi: je peux faire un coup de pression, mais pas juste calmement dire "j'aimerais que ce soit autrement." C'est tout bête, mais je ne peux pas. C'est bloqué. Le coeur répond plus, la langue pâlie, figée. La communication me terrorise, dire des choses importantes dans les yeux, j'y arrive qu'avec les médecins, ou la vodka, ou pas bien.
Pareil pour le sexe.
Avec la Gouze on a eu pas mal de fois ce débat-là, en récidive: elle pense que si on veut un truc au pieu, mieux vaut le dire, le demander, ou très explicitement le faire comprendre: une femme libre, cette Gouze.
Pour ma part c'est tout le contraire. Je sais ce que j'aime, spécifiquement, mais je suis incapable de le dire. Je peux le faire comprendre, et encore, de façon si subtile que la majorité diront que c'est inexistant. C'est anti-sexe le dire, je trouve; le sexe, c'est la communication des corps, alors dire fais-moi si, ou fais-moi ça comme ça, j'aime pas.
Parfois on veut des fessées (ou pas). Certaines diront: mets-moi une fessée mon loup. (ceci n'est qu'un exemple, détendez-vous) D'autres, et moi-même, penseront très très fort, allez, mets-moi une fessée, mais ne broncheront mot. Cela différencie un amant parmi tant d'autres de l'amant du siècle: celui qui devine, celui qui sent, et le must, c'est celui qui anticipe les désirs. La fessée devinée est mille fois meilleure que la fessée demandée. C'est un fait. (Il en est de même pour la plupart des choses: les baisers, les caresses, les bijoux...)
Parce que c'est l'un des autres problèmes de la communication et du dialogue: il faut savoir ce que l'on veut, pense, désire. Moi je ne sais jamais. J'hésite toujours, et j'ai au moins l'ouverture d'esprit de vouloir être profondément surprise, quitte à adopter des choses qui n'étaient pas mon genre au départ. C'est pour ça que quelqu'un qui devance, c'est trop cool, non seulement on a pas besoin de dire ou de demander les choses, mais on nous les fait goûter avant la clarification du concept dans notre esprit.
Ainsi, il y a aussi des bonnes surprises au lit. Parfois.
Il est vrai cependant que de ne rien dire frôle souvent l'absurdité. Si je dis "aie", au bout d'un moment, ça veut surtout dire que l'autre fait nawak depuis un temps qui me semble l'éternité et que là, je tiens plus. Je pourrais simplement dire pas comme ça, plus doucement, ou j'aime pas ça; je suis peut-être tordue, mais les mots au lit, c'est pas marrant. Vraiment.
C'est un chemin de croix, que ce silence. Il faut faire des sacrifices. Parfois. Souvent. Aie.
C'est ainsi que je serais une totalitaire. Ma dictature de pensée à moi. La Gouze me dit que du manque de dialogue je crée des frustrations, j'attends de l'autre des choses que je ne dis pas, sans lui donner une chance de s'expliquer, et que je fais des procès toute seule dans ma tête. Que je suis l'avocat, et le juge, sans défense pour le côté adverse. Et que l'Autre ne comprend ni l'énervement, ni le silence, ni le calme, ni la tempête.
Il est vrai que cela peut sembler être un dysfonctionnement au sein d'un couple, ou plus largement d'une société constituée d'une pluralité d'individus. Certes. De mauvaise foi il m'arrive de faire un pas vers la démocratie: c'est quand j'ouvre une brèche pour tester l'Autre. Sachez cependant que la plupart des tests échouent.
La Gouze surnomme cela ma stratégie de l'échec. C'est nul.
Ma stratégie de l'échec consiste, pour obtenir de compliments (par exemple), à me faire trop moche exprès. Pour voir déjà si le mec me voit. Évidemment, il a des yeux, le pauvre. Alors soit il ne dit rien, pour ne pas me vexer= échec. Soit il me dit t'es moche, et je me sens mal=échec. De toute façon, je suis bien loin des compliments. Et c'est à chaque fois l'échec.
Elle marche pas dans le bon sens cette stratégie, mais je l'aime bien, car je la trouve très drôle.
Ce qui ne résout rien au problème du "j'me sens pas belle." Cela fait de moi une laide marrante, au final, et je crois que c'est moyen comme finalité.
Moi qui voulais un compliment...
Bref, tout ça pour dire qu'au contraire de nos copines-amies-collègues-journalistes-juges-patrons: sue au dialogue ! Pour le retour de l'envie de télépathie. Cessons de tout dire.
Parce que la Gouze elle se plante dans ses propres théories, elle aussi. Il y a des failles dans la démocratie. La démocratie du langage est une fausse démocratie, une tolérance trop codée, et fantasmée. Car la Gouze me dit de dire les choses. De dire des choses gentilles aussi, pas que ce qui me dérange.
Et quand elle téléphone trois plombes et que je lui dit "abrège", elle fait la moue. Ça passe vite-fait son histoire d'ouverture au dialogue. Pourtant, j'ai fait comme il fallait: j'ai dit. Et quand je demande si je peux dire je t'aime ou t'es nul au lit, elle dit non. Elle dit qu'il faut pas froisser l'ego non plus. Et que le je t'aime, c'est l'un des trucs à ne pas dire. Avec j'aime pas ta mère.
Ce n'est donc pas du suffrage universel. Les voix sont faussées. On choisit, au-delà du dire, l'audible. Ce qu'on peut entendre.
Bande de tapettes.
C'est tellement hypocrite de dire "parlons", et de ne pas être capable de tout entendre.
On peut pas tout dire alors. C'est nul encore.
Que la contre-révolution du langage commence.
C'est trop d'efforts de parler vraiment. C'est difficile de communiquer. Trop d'obstacles.
Alors NON aux conversations de table dans la cuisine, avec le thé, à parler de nous. NON aux longues conversations téléphoniques, et à expliquer à celui qui ne comprend pas. (C'est perdre salive: celui qui ne comprend pas, ne comprendra jamais. Ce n'est pas que vous êtes si singulières et complexes, c'est qu'il est con.)
OUI aux coups de pression de temps en temps, à l'ironie pour faire passer les messages, aux regards qui en disent longs et aux Aie.
OUI aux murmures et aux grognements. Au retour de l'animalité.
Et surtout, surtout, NON au métalangage. ("On est bien là, tous les deux ?" alors que visiblement, oui, on est bien, là, tous les deux.) Très flippant en cas de couple.
Et enfin, OUI aux compliments. (Ceci peut être du métalangage, du genre "t'es jolie" alors qu'on est jolie. Mais les compliments font cependant exception. Laissons-nous au moins ça, merde. Il faut une exception à nos règles. On y tient, à celle-là.)
Que le reste soit tendre silence.
La Gouze dit que je suis totalitaire.
Ce terme plutôt peu flatteur vient du fait que, très récemment, je me suis rendue compte que j'étais pratiquement contre le dialogue. La Gouze me rétorque ironiquement que "tant mieux, parler aux autres c'est nul, et que l'autisme c'est hype". Je n'en suis pas là. Simplement, je crois que les notions basiques de psychologie de dialogue entre les êtres (qui sont très récentes d'ailleurs, une centaine d'années à peine) ne doivent pas être obligatoires et qu'avant le monde tournait pareil, sans avoir besoin de se mettre à une table, face-à-face, et de se dire:"Quand tu fais ceci, je ressens cela." Ce genre de truc, je suis très contre.
Le problème communicationnel est très assumé chez moi: je peux faire un coup de pression, mais pas juste calmement dire "j'aimerais que ce soit autrement." C'est tout bête, mais je ne peux pas. C'est bloqué. Le coeur répond plus, la langue pâlie, figée. La communication me terrorise, dire des choses importantes dans les yeux, j'y arrive qu'avec les médecins, ou la vodka, ou pas bien.
Pareil pour le sexe.
Avec la Gouze on a eu pas mal de fois ce débat-là, en récidive: elle pense que si on veut un truc au pieu, mieux vaut le dire, le demander, ou très explicitement le faire comprendre: une femme libre, cette Gouze.
Pour ma part c'est tout le contraire. Je sais ce que j'aime, spécifiquement, mais je suis incapable de le dire. Je peux le faire comprendre, et encore, de façon si subtile que la majorité diront que c'est inexistant. C'est anti-sexe le dire, je trouve; le sexe, c'est la communication des corps, alors dire fais-moi si, ou fais-moi ça comme ça, j'aime pas.
Parfois on veut des fessées (ou pas). Certaines diront: mets-moi une fessée mon loup. (ceci n'est qu'un exemple, détendez-vous) D'autres, et moi-même, penseront très très fort, allez, mets-moi une fessée, mais ne broncheront mot. Cela différencie un amant parmi tant d'autres de l'amant du siècle: celui qui devine, celui qui sent, et le must, c'est celui qui anticipe les désirs. La fessée devinée est mille fois meilleure que la fessée demandée. C'est un fait. (Il en est de même pour la plupart des choses: les baisers, les caresses, les bijoux...)
Parce que c'est l'un des autres problèmes de la communication et du dialogue: il faut savoir ce que l'on veut, pense, désire. Moi je ne sais jamais. J'hésite toujours, et j'ai au moins l'ouverture d'esprit de vouloir être profondément surprise, quitte à adopter des choses qui n'étaient pas mon genre au départ. C'est pour ça que quelqu'un qui devance, c'est trop cool, non seulement on a pas besoin de dire ou de demander les choses, mais on nous les fait goûter avant la clarification du concept dans notre esprit.
Ainsi, il y a aussi des bonnes surprises au lit. Parfois.
Il est vrai cependant que de ne rien dire frôle souvent l'absurdité. Si je dis "aie", au bout d'un moment, ça veut surtout dire que l'autre fait nawak depuis un temps qui me semble l'éternité et que là, je tiens plus. Je pourrais simplement dire pas comme ça, plus doucement, ou j'aime pas ça; je suis peut-être tordue, mais les mots au lit, c'est pas marrant. Vraiment.
C'est un chemin de croix, que ce silence. Il faut faire des sacrifices. Parfois. Souvent. Aie.
C'est ainsi que je serais une totalitaire. Ma dictature de pensée à moi. La Gouze me dit que du manque de dialogue je crée des frustrations, j'attends de l'autre des choses que je ne dis pas, sans lui donner une chance de s'expliquer, et que je fais des procès toute seule dans ma tête. Que je suis l'avocat, et le juge, sans défense pour le côté adverse. Et que l'Autre ne comprend ni l'énervement, ni le silence, ni le calme, ni la tempête.
Il est vrai que cela peut sembler être un dysfonctionnement au sein d'un couple, ou plus largement d'une société constituée d'une pluralité d'individus. Certes. De mauvaise foi il m'arrive de faire un pas vers la démocratie: c'est quand j'ouvre une brèche pour tester l'Autre. Sachez cependant que la plupart des tests échouent.
La Gouze surnomme cela ma stratégie de l'échec. C'est nul.
Ma stratégie de l'échec consiste, pour obtenir de compliments (par exemple), à me faire trop moche exprès. Pour voir déjà si le mec me voit. Évidemment, il a des yeux, le pauvre. Alors soit il ne dit rien, pour ne pas me vexer= échec. Soit il me dit t'es moche, et je me sens mal=échec. De toute façon, je suis bien loin des compliments. Et c'est à chaque fois l'échec.
Elle marche pas dans le bon sens cette stratégie, mais je l'aime bien, car je la trouve très drôle.
Ce qui ne résout rien au problème du "j'me sens pas belle." Cela fait de moi une laide marrante, au final, et je crois que c'est moyen comme finalité.
Moi qui voulais un compliment...
Bref, tout ça pour dire qu'au contraire de nos copines-amies-collègues-journalistes-juges-patrons: sue au dialogue ! Pour le retour de l'envie de télépathie. Cessons de tout dire.
Parce que la Gouze elle se plante dans ses propres théories, elle aussi. Il y a des failles dans la démocratie. La démocratie du langage est une fausse démocratie, une tolérance trop codée, et fantasmée. Car la Gouze me dit de dire les choses. De dire des choses gentilles aussi, pas que ce qui me dérange.
Et quand elle téléphone trois plombes et que je lui dit "abrège", elle fait la moue. Ça passe vite-fait son histoire d'ouverture au dialogue. Pourtant, j'ai fait comme il fallait: j'ai dit. Et quand je demande si je peux dire je t'aime ou t'es nul au lit, elle dit non. Elle dit qu'il faut pas froisser l'ego non plus. Et que le je t'aime, c'est l'un des trucs à ne pas dire. Avec j'aime pas ta mère.
Ce n'est donc pas du suffrage universel. Les voix sont faussées. On choisit, au-delà du dire, l'audible. Ce qu'on peut entendre.
Bande de tapettes.
C'est tellement hypocrite de dire "parlons", et de ne pas être capable de tout entendre.
On peut pas tout dire alors. C'est nul encore.
Que la contre-révolution du langage commence.
C'est trop d'efforts de parler vraiment. C'est difficile de communiquer. Trop d'obstacles.
Alors NON aux conversations de table dans la cuisine, avec le thé, à parler de nous. NON aux longues conversations téléphoniques, et à expliquer à celui qui ne comprend pas. (C'est perdre salive: celui qui ne comprend pas, ne comprendra jamais. Ce n'est pas que vous êtes si singulières et complexes, c'est qu'il est con.)
OUI aux coups de pression de temps en temps, à l'ironie pour faire passer les messages, aux regards qui en disent longs et aux Aie.
OUI aux murmures et aux grognements. Au retour de l'animalité.
Et surtout, surtout, NON au métalangage. ("On est bien là, tous les deux ?" alors que visiblement, oui, on est bien, là, tous les deux.) Très flippant en cas de couple.
Et enfin, OUI aux compliments. (Ceci peut être du métalangage, du genre "t'es jolie" alors qu'on est jolie. Mais les compliments font cependant exception. Laissons-nous au moins ça, merde. Il faut une exception à nos règles. On y tient, à celle-là.)
Que le reste soit tendre silence.
3 commentaires:
C. a dit :
De toute façon, que tu portes un ciré jaune (avec la capuche), un serre-tête léopard ridicule ou une paire de lunettes moche, t'es belle... Et ça tu ne peux rien y faire !
T'es bonne quand tu fermes ta gueule surtout.
Ce post est très drôle et m'a rappelé ce que ma meilleure amie a toujours essayé de m'expliquer... Je pense qu'il est souligné une grosse différence fille-garçon là!
Je suis pour ne pas tout dire aussi mais des fois, nous, les garçons on est vraiment con mais on FINIRA par comprendre!! il suffit des fois de nous apprendre a le faire ;)
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