dimanche 28 septembre 2008

To Big Mac or not to Big Mac

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Enfin on reprend. Enfin Ninetchka a cessé de parler comme une mamie, je veux dire qu'enfin ses putain d'amygdales, qu'elle s'est faite enlever en vue d'une carrière dans le cinéma pornographique, ou tout simplement en vue d'un avenir exempté d'angines hivernales incessantes, ont cicatrisé. Pas tout à fait mais elle peut parler comme je peux la comprendre, avec la voix et l'intonation d'une fille de son âge. Au début, quand elle parlait comme Mamie Nova, moi j'arrivais qu'à lui parler de soupe alors qu'elle aurait vendu son appart' pour une glace bien froide; en bref j'y comprenais rien, j'avais oublié que sous cette gorge gonflée se cachait la voix de ma pote la plus proche, celle qui me juge le moins, celle qui prend mon parti avec le recul et la mesure necéssaire pour ne jamais perdre sa crédibilité, celle que j'aime et qui m'aime, et qui n'est chaque fois ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Alors on a repris le cours de nos conversations masturbatoires girly, souvent présidées par des thèmes que j'avance, soit par déprime, soit par envie de débattre un peu; c'est que Ninetchka c'est mon ange gardien tout à fait malicieux, et que si je lui dit que hier j'ai trop déconné et que j'ai niqué avec Untel, et me dira "Meuf t'assures pas" et d'autres blabla pour finalement me demander comment c'était, et si je vais le revoir... Et si je compte le dire à mon mec. Bref, une vraie pote, de celle chez qui je peux débarquer avec un cadavre, non seulement elle me le cache mais elle m'en fait des sushis tellement c'est une psychopathe pire que moi... D'ailleurs maintenant que j'y pense je me demande bien quelle folie est la mienne pour me tourner vers elle au moindre soucis... Le coeur a ses raisons que la raison ignore.

Aujourd'hui donc, nous avons rattrapé le temps perdu à parler gaspacho parce que j'ai eu la mégarde de re-souligner mon côté infidèle. Je pense avoir des problèmes avec la monogamie, et ce, par nature; mais j'y travaille. Bref, j'ai dit, comme ça, bêtement, qu' être en couple c'était bien mais fade malgré tout. Et que décider de vivre pleinement la vie à deux, c'était comme l'hygiène culinaire, manger sain et bio et tout, tandis que les coups d'un soir et les flirts puérils, c'était de la junk food. Du bon Big Mac.
Alors quoi, on aime tous manger sain, mais c'est quand même trop bien un hamburger de temps en temps, des chips, des glaces- que sais-je, toutes ces choses mauvaises pour la santé mais bonnes pour le moral. 

Rappelons (je me le rappelle sans doute aussi à moi-même...) qu'en ce moment je vis une grande histoire, que je suis in love, alors trivialement, la question, dans ma vie sentimentalement saine et épanouissante, c'est, (cf Super Size Me), to Big Mac or not to Big Mac?

Ma Ninette elle connaît mon mec, et elle me prévient dès le départ qu'elle est de son côté à lui, car j'avoue que depuis que je passe mes nuits avec lui c'est du répit pour elle quand même, elle a plus de temps pour elle, et elle se fait moins chier avec des conversations de merde... D'ailleurs, elle me l'a vainement demandé, si j'avais pas mieux à penser en ce moment, mais je me suis défendue en lui rappelant que j'adore me prendre la tête sur des trucs trop nuls, "Ah ouais" elle a fait, et donc elle a repris son devoir de grand désamorçage de mes angoisses pseudo-existentielles et surtout vaginales, en  fait. 

En fair-play, elle m'admet d'abord que c'est cool les hamburgers. Mais que bon, c'est pas tout quoi. Alors elle tranche:

"T'as qu'à juste sentir l'odeur."  Maligne la grande... Mais il m'en faut plus, je suis coriace dans le genre...

-Et si j'arrive pas à résister à l'odeur, et que je croque?

"Pense à garder ta ligne ma cocotte."




Touchée-coulée.





Et j'ai eu comme une illumination. j'ai fait ok merci à demain et on a raccroché.
J'ai pris un peu le temps de penser, et de tout sous-peser:

Que d'abord ma ligne j'en ai toujours un peu eu rien  foutre, parce que je suis une vraie gourmande.
Que j'aime bien les hamburgers; ok, je suis trop snob pour le Mc Do, mais assez euro-patriotique pour un Quick.
Et que la vie elle est pas si longue que ça, quoi.

Puis j'ai fait un petit retour à la case départ. J'ai revu ma liste de courses, mon panier affectif, bio, pas bio, mayo, hot dog... et j'ai regardé du côté de l'homme qui est à mes côtés (l'inconscient!), pour voir quel goût il avait, déjà. 
Macrobiotique? Non, mon mec n'est pas de ce bord-là.
Du Quick? Il a plus la classe que ça.

Je crois qu'il est un peu des deux. C'est mon rôti rose, mon magret de canard, et mes petites frites grasses à moi... Avec lui, j'en ai toujours à me mettre sous la dent, et j'ai de la chance, il ne me sert jamais la même chose, ni au lit, ni au sourire. J'ai pas de bonjour-bonsoir, je sais pas vraiment à quelle enseigne je suis; ni ce qu'il est, en vrai. Ce petit caméléon, plein de recettes, m'a bien saisie... Quand je crois que je vais avoir de la bonne viande bien rouge bien saignante, il se montre léger et intriguant comme une belle Roquette; quand j'en veux pour ma crème fraîche, il se dévoile pimenté et fort comme de la moutarde...



Avec ce menu infernal, pour l'instant, he got me.



(C'est vraiment vrai que je pense des trucs à deux balles quand j'ai rien à faire de mon dimanche... Il faut que je rappelle la Ninetchka, pour lui dire.)




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(photo: Helmi Charni... Merci.)

jeudi 18 septembre 2008

L'énigme

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Cathedral Hill Hotel, San Francisco, California. 

On en a parcouru du chemin. On s'est perdu sur les routes ensemble. On en a eu pleins les yeux.
Il y a d'abord ce qu'on a vu comme paysages; du désert vaporeux, et sec, avec un goût qui reste longtemps dans la gorge, et des tours d'argent qui nous éblouissent même les jours de pluie. On voulait tout traverser, en voiture, parce que ça fait du bien d'être cliché, parce qu'on avait le temps et l'argent, parce qu'on s'y croyait. Et il y a ce qu'on a vu de nous, face-à-face ou l'un contre l'autre, main dans la main, bras dessus-bras dessous ou main levée et coup de boule; ça en fait des souvenirs, et sur des décors de cartes postales futuristes et apocalyptiques on entrevoit une chevelure qui se tire ou un tee-shirt blanc relevé, déformé.


En avant la vieille américaine et la poussière. On n'est jamais à l'abri des pannes, mais quand il répare minutieusement, j'en profite pour pisser dans le no man's land et m'endormir au bord de la route, sur la terre dure. Ce voyage nous enrageait et nous excitait comme du bon sexe, nous étions ivres sans trop savoir de quoi, et drogués d'amour. De motels en hôtels on a pas cessé de grandir et d'exploser, de se toucher toujours plus fort et de tendrement se défoncer. On a eu peur d'aimer nos coups, nos dents, nos mauvaises blagues et nos rages; nous sommes des êtres doux dans la violence mais ardents en sentiments. Un Rimbaud et Verlaine sans fuite, sans problème, sans poème. Car enfin à la dernière heure on était toujours là ensemble, à se regarder bêtement droit dans les yeux, jusqu'au strabisme, jusqu'au rire, savourant déjà demain, sa main entre mes jambes au fil des kilomètres et mes dangereux baisers sur les paupières qui l'aveuglent avec insolence.


Il est si daltonien qu'il n'a jamais su mes yeux bleus, et gris. Il ne reconnaît pas non plus mon carmin ou mes rousseurs. Pour lui, je suis d'une autre palette et d'une autre peinture, arc-en-ciel sale intolérant de nuances, éclatant d'orgueil.

Il est 3h44. 
Je ne l'ai jamais vu regarder l'heure. Le premier cadeau qu'il m'a fait est une montre. Une vieille montre Tissot plate, en bois bordeaux, avec le bracelet blanc, en cuir tressé. Une montre magnifique. Il me l'a offerte cassée. Exprès.

Il est tôt.
Mes yeux se cernent de violet et ma bouche pâlit.

Mon bain coule...
Une fois on s'est endormis sous la douche, avec l'eau chaude qui nous fouettait. Dans une position incongrue. L'un dans l'autre. Mais confortable quand même. On s'est réveillé sans étonnement. On a refait l'amour, comme des poissons. Et le bruit de la douche résonnait encore quand on s'est rendormi, lui par terre et moi sur le lit.

Il fume trop.

Il est descendu dans le hall de l'hôtel il y a plus de quatre heures maintenant. Des cigarettes, il n'avait plus de cigarettes. 

Il n'a rien pris. Pas ce qui restait d'argent, pas les clefs de la voiture, pas de vêtement.
Pas moi.
Rien de rien.
Il est parti avec ce qui lui reste d'emprise sur moi, c'est à peine et pourtant c'est insurmontable, et la piètre élégance de n'avoir été mesquin: il m'a tout laissé; il m'a fait remporter le divorce. Malheureusement. J'aurais aimé pouvoir l'accuser, pleurer ses vols et sa bassesse.

Il était temps.
Je me baigne. (Mon bain déborde.)
Je marche dans le couloir de l'hôtel. (J'erre.)
Je reviens. (Eperdument triste.)
Je vomis. (Mais il ne sort pas de mon corps dans ces toilettes grises.)
Je reste, cette fois. (Car je n'ai plus d'idées, et peu de choix.)

Putain. Je me suis faite plaquée avec l'excuse bidon des clopes, ou des allumettes. Moi. La reine de Saba de l'extrême, la tarée d'à côté... Par lui. Mon prince ténébreux, mon ange insupportable, ma douce brute...

Il n'a rien pris, il ne reviendra pas.

J'ai eu un coup de fil de la réception.
Il m'a laissé un mot. 
Il n'a jamais été comme les autres, et même lorsqu'il disparaît trop comme tout le monde, il marque son geste d'une effroyable originalité. Une enveloppe, un mot. Tandis qu'il aurait pu me laisser dans la tourmente, me laisser le haïr, me torturer en me demandant pourquoi, m'interroger jusqu'aux aubes froides. Et échouer. Oublier la raison, me raisonner de cesser de la chercher. Cesser de le chercher. Oublier.

Sans mots, l'oubli serait venu comme un délicieux poison, il se serait emparé de notre histoire et de mon âme pour n'y laisser qu'un peu de nostalgie, de l'amour réchauffé par la mémoire comme avec un malheureux micro-ondes. Mou et tiède. 

Mais il me veut passionnée encore, et forte. C'est ainsi qu'il m'aime, c'est ainsi que je suis.










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