mardi 23 décembre 2008

La fille du Sept

Sept ans.
Sept ans de réflexion.
Mais à quoi bon?

*24 décembre 2008, veille de Noël, date importante. Pour tous.

*24 décembre 2001... Tout commence. Pour nous.

Tous les trois dans le taxi, encore endormis, mais flippés quand même. Je ne sais pas si l'on comprend vraiment, ou même si l'on comprend un peu, et si je peux le comprendre. C'est l'un de nous, l'un des grands, qui nous dit "C'est papa qui a appelé." Alors on s'est précipité à l'hôpital. A Balard. Je l'ai fait si souvent ce chemin, de la station de métro à l'hôpital, trop glauque l'hôpital, ils sont tous glauques, sauf l'hôpital St Louis et son quadrilatère dans lequel on jouait à chat et on se faisait des baisers quand j'étais au collège, et je le voyais arriver de côté, le grand hôpital européen de merde, réputé, mais qui sauve personne. Faut croire.

Mon père savait déjà qu'elle était morte, ma mère, et nous on était comme des cons dans le taxi, pressés, de quoi, pressés pour un cadavre, ignorants et de toutes façons incapables. Impossible de s'imaginer non plus. On ne s'épargne pas les chocs, c'est le principe.

Alors elle a succombé dans son sommeil, ma mère, à 48 ans. Et on roulait, on roulait, à 2h du matin, ahuris, et moi dépassée par mes pensées, submergée, noyée. Je crois que c'est ainsi qu'on devient un animal, dans ces instants-là, qui peuvent durer des mois et des années, on craint, on ne saisit plus rien, l'ego s'est retranché, et les dieux nous ont vraiment abandonnés. Poils hérissés et survie par l'instinct.

Elle était très belle ma mère.


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Comme toutes les mamans, certes, mais plus. C'est l'un des avantages de la disparition: la sublimation.



Depuis, à chaque Noël sa tragédie. On évite en fermant les yeux les disputes, les drames, les trames, la violence de chacun. Et l'on se fait de beaux cadeaux pour se réchauffer un peu le sang, et l'on mange un festin, et l'on boit, il nous faut bien conserver des traditions de famille... On fait avec ce qu'il nous reste. On rit beaucoup aussi.

Et je peux me permettre, avec un peu de cynisme, de dire qu'ils me font bien marrer, ceux qui pensent que Noël les déprime, parce qu'ils n'iront pas chez Régine, mais en Bretagne, ou dans le Nord-Pas-de-Calais. Les dégoûtés des repas de famille... A chacun sa merde.

Quant ceux qui ne sont ni cyniques, ni nostalgique, et d'humeur festive, rien n'est perdu:



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Joyeux Noël !

mardi 16 décembre 2008

Hache moins Un

Dans une heure, on va prendre un café.
Pour parler de notre rupture. Pour au moins l'élaborer. 
Nous, on se quitte comme ça,  comme on boit un petit café, on expédie plus de 180 jours d'amour d'un coup de vent. On est rock ouais. On est cons surtout. On doit maintenant s'expliquer une engueulade de bourrés qui nous déconcerte sur la forme et nous terrorise dans le fond... Et si tout ce qu'on s'était crié à 5h du matin un samedi, c'était vrai? Et si vraiment il n'avait plus le courage, et moi je ne l'aimais plus? 

Le vrai problème, c'est que personne ne peut répondre à notre place, alors qu'au fond moi j'aimerais bien qu'une grande instance, comme ma mère, ou ma tante Mimi quand j'étais petite, me tire par les oreilles et me dise que ça suffit les bêtises, et que je dois me comporter correctement, et m'oblige autoritairement à faire la paix, à lui donner un bisou. Sur la joue, pour commencer. Cependant les choses ne sont plus si simples, ou si terribles, quand on grandit on a le choix, aveuglant parfois, qui m'empêche à l'heure actuelle de comprendre ce que pense mon gros coeur, bien lourd depuis trois jours.

Il n'y aura malheureusement que nous deux tout à l'heure, deux mal fichus incapables de se situer et de se dévoiler. Et qui d'autre que nous peut nous savoir?
Pour la première fois, j'ai bien l'intention de ne pas trop parler. Parce que je ne sais pas quoi dire, ni quoi penser en vrai. J'aimerais qu'il m'éclaire, mais je sens déjà qu'il ne sera pas moins autiste que moi. Quel piteux constat, se revoir pour grandir un peu, pour se quitter mieux, pour retrouver un peu d'élégance grâce au dialogue... Pour être plus adulte

Et merde, j'ai aucune idée de ce que ça veut dire. J'ai aucune idée de ce que je suis censée lui dire. J'ai aucune idée... 

Je me concentre juste pour pas lui faire de mal, pour pas déraper avec ma langue fourchue et mon principe actif de poison; je me concentre pour m'entrevoir parmis mon brouillard intérieur... Quoi se cache derrière mes moutons de nuages, mes tempêtes, mes foudres et mes fureurs? Quels rayons? Puisse ce petit soleil qui me chauffait en sa présence resurgir et nous donner notre chance? C'est là bien trop de questions.




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Où suis-je Qu'ai-je fait? Que dois-je faire encore?
Quel transport me saisit? Quel chagrin me dévore?
Errante et sans dessein, je cours dans ce palais.
Ah! ne puis-je savoir si j'aime, ou si je hais?
Le cruel! De quel oeil il m'a congédiée!
Sans pitié, sans douleur au moins étudiée!
L'ai-je vu se troubler et me plaindre un moment?
En ai-je pu tirer un seul gémissement?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Semblait-il seulement qu'il eût part à mes larmes?
Et je le plains encore! Et pour comble d'ennui,
Mon coeur, mon lâche coeur s'intéresse pour lui!

Hermione, Antigone, Racine.





La suite au prochaine épisode...

mercredi 26 novembre 2008

Lay Lady Lay

Je voudrais que tu sois en pâte d’amandes pour te manger le bout des doigts et les cils aussi ; je voudrais que ton petit corps chaud et musclé puisse se cuire comme un œuf à la coque, et faire de mes baisers des mouillettes toutes douces. De ne pas déguster tes yeux aussi, je pourrais m’y perdre encore, comme dans un grand lac plat où je ne saurais comment aller, éperdue, je pourrais nager de plus en plus dans tes eaux claires; puis me noyer, et me laisser sauver par tes sirènes cachées là, entre tes seins plats comme des saules de septembre. Je voyagerais entre tes rides du matin, je laisserais mes valises pour un temps, pas forcément sous tes yeux, je pourrais mettre mes sacs de voyages dans ton sourire et te donner le côté le plus gitan et exotique qui soit et que t’ais jamais eu ; puis je me laisserais glisser comme sur un grand toboggan je me laisserais aller le long de tes joues rondes et creuses et fermes et roses et je me loverais entre tes lèvres jusque la fin des temps.

Finalement.

Je ne sais pas enccore quand le temps s’arrêtera : peut-être je m’impatienterais. L’horizon de ton corps est trop grand et trop excitant pour que j’en reste là. Il me faudrait aller dans ta bouche, faire des câlins à tes dents, et me frotter tout contre tes gencives.

Immanquablement.






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Photo: Helmi Charni

mardi 25 novembre 2008

Next Stop: Paris

Le destin : parce que parfois, vraiment, il n’y a pas de hasard. 

J’aurais dû avoir des enfants déjà. Je sais pas exactement combien, sans pilule du lendemain ça m’en ferait peut-être deux, sans divorce ça m’en ferait sûrement un. Un p’tit, un moitié-mien, qui me parlerait français et argentin. Un caïd fatal des rues de Buenos Aires, un porteno redoutable, un titi parisien pendant les vacances d’été, qui sont en hiver, bref, voilà un peu comment j’imaginais la chose. Avec les yeux noisette et bridés de son père, mes sourcils, son torse, mon accent, son charisme, mon humour… Finalement on se projetait nous-même dans cet enfant, notre amour, notre couple, ce que j’aimais chez lui, ce qu’il aimait chez moi, ce que nous aimions chez nous,  et nos défauts à faire valoir aussi. Un concentré de moi, de lui, un petit nous vierge et propre, une émulsion de notre passion en kit, une vie à construire. Qui filerait plus droit que nous, on espérait.
La vie, et non pas le destin, j’aime à croire, en a décidé autrement. Comment évoquer rapidement, en quelques mots, une catastrophe amoureuse ?...


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Le jour où j’ai annoncé, J-3 semaines, que je rentrais en France, je brisais à la fois un mariage, des espérances, et nos cœurs. J’avais vingt ans, et c’est la grande différence de notre histoire : mon homme, il en avait presque trente, et il y avait vraiment cru à notre histoire de famille. Il ne s’était jamais angoissé à aucun retard ou oubli de pilule, et brandissait au-devant de ses propres yeux la libreta de familia, tellement il était fier et impatient. 
Mais je suis partie quand même.
Boum.
Rien à foutre du fameux contrat.
Un gros silence. Des silences. Puis



plus rien, un moment.



Il m’a dit l’année d’après qu’il avait vécu comme un deuil ma disparition.
Ne restait de moi, dans notre grand appartement, qu’un tableau inachevé, des tas de projets dans mon atelier et des photos. Beaucoup de photos. Il restait encore les essais qu’on avait fait dans la chambre noire. Des nus. Des traces d’une autre vie, d’une morte.
Et mon odeur. 
Il m’a dit aussi que c’est cela qui a été le plus dur, mon odeur, et le silence de l’appartement, le manque de mon rire et de mes cris… Parce que parfois même la haine et la colère sont préférables à l’absence, et l’insatisfaction la plus complète semble plus surmontable que la solitude. Mais ses reproches étaient sans mot ; c’est la lourdeur de nos échanges qui me révélait toujours les mêmes choses : j’avais coupé en deux l’orange sellée, mutilé l’âme sœur, abandonné l’être aimé. 

Un soir, j’avais tourné le dos, et pris un bus.



Il m’a fallu un an pour retourner là-bas, le revoir. Un an, presque jour pour jour. Une année, à voir à quoi ça ressemble ma vie sans lui, ma vie seule avec ce moi que je ne connaissais pas... Comme dans l’autre l’on s’ignore, comme sans lui je ne savais plus. 
J’ai dû réapprendre à parler français, étoffer à nouveau mon vocabulaire, réunir mes amis, retrouver mes frères ; je me suis donnée à d’autres sans perdre l’idée d’une trahison... Ce n’est pas par la pointe de mes seins que l’on m’atteint le cœur. Une année d’amours médiocres, de passions inertes, de sexe ennuyeux; une année pour me trouver, une année à me recentrer, à me prouver que seule, c’est mieux. C’était le but du départ, quand même. Il me fallait me démener et me battre pour trouver du goût, sans sa salive.



Passer minuit c’est le plus dur. Je sais que là-bas, il est six heures de moins,  il est libre pour me parler, il sort du travail... 

Et au bout du fil je chavire, contemplant d’ailleurs les immeubles d’Haussmann, orangés par mon lampadaire, et tout semble flou au travers de mes absurdes larmes. Quelques minutes pour retrouver cette douce schizophrénie de ma vie ; oublier mon français et mes amis, replonger dans de l’argentin, le pathos du tango, les mots de l’amour. Il ne parle pas ma langue, et il ne la parlera sans doute jamais. A chacun ses limites, et au moins des concepts étrangers ne lui martèlent pas la tête, comme à moi... Te deseo, putita rusa, preciosa, te odio.

Hola Ernesto. Como estas? 
...




Je n'ai jamais eu besoin de me présenter.



Tortueuse attente, je pensais.
Vie de chienne que cette vie loin de mon unique amour ; Paris de merde sans mon homme, accessoires du soir dérisoires.




14h de vol.
Buenos Aires.
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Puis 1h de vol...
Cordoba.




Je l’ai tout de suite appelé quand je suis arrivée. On voulait attendre quelques jours avant de se voir, et on avait convenu qu’on ne se verrait qu’une seule fois et puis baste. On voulait pas se jeter à nouveau dans la gueule du loup, surtout qu’on s’était déjà fait bouffer par celui-là. C’était le moment de la digestion.

J’ai dans la rétine l’image parfaite de son allure et de ses secrets : ce qu’il portait, mais plus clairement l’intention qui se cachait derrière ses fringues d’ado, simples et désinvoltes. Il était déjà plus de minuit. Je l’ai vu venir du bout du parc. 


La pensée la plus claire dont je me souvienne, c’est mon impression, ce matin-là. Je me suis dit qu’il ne me faisait plus jouir comme avant.
Dans la pénombre de notre chambre enfumée et humide de nos voluptés, j’étais lasse et surprise : je me suis rendue compte que mes amours médiocres, que j’avais tant méprisé, m’ont forgées encore et malgré moi. J’ai vu ce que j’avais parcouru. J’ai dissocié ; je me suis reconnue sans lui. 

Ce n'était plus si pur... Cette blancheur triste et perdue, ce total abandon que j’avais recherché entre ses draps, en ce lit qui était mien, dans les décombres de ma vieille chambre, c’était toute l’eau. L’eau sous les ponts. C’était l’eau de l’Atlantique aussi... J’étais enfin repassée de l’autre côté.





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dimanche 28 septembre 2008

To Big Mac or not to Big Mac

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Enfin on reprend. Enfin Ninetchka a cessé de parler comme une mamie, je veux dire qu'enfin ses putain d'amygdales, qu'elle s'est faite enlever en vue d'une carrière dans le cinéma pornographique, ou tout simplement en vue d'un avenir exempté d'angines hivernales incessantes, ont cicatrisé. Pas tout à fait mais elle peut parler comme je peux la comprendre, avec la voix et l'intonation d'une fille de son âge. Au début, quand elle parlait comme Mamie Nova, moi j'arrivais qu'à lui parler de soupe alors qu'elle aurait vendu son appart' pour une glace bien froide; en bref j'y comprenais rien, j'avais oublié que sous cette gorge gonflée se cachait la voix de ma pote la plus proche, celle qui me juge le moins, celle qui prend mon parti avec le recul et la mesure necéssaire pour ne jamais perdre sa crédibilité, celle que j'aime et qui m'aime, et qui n'est chaque fois ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Alors on a repris le cours de nos conversations masturbatoires girly, souvent présidées par des thèmes que j'avance, soit par déprime, soit par envie de débattre un peu; c'est que Ninetchka c'est mon ange gardien tout à fait malicieux, et que si je lui dit que hier j'ai trop déconné et que j'ai niqué avec Untel, et me dira "Meuf t'assures pas" et d'autres blabla pour finalement me demander comment c'était, et si je vais le revoir... Et si je compte le dire à mon mec. Bref, une vraie pote, de celle chez qui je peux débarquer avec un cadavre, non seulement elle me le cache mais elle m'en fait des sushis tellement c'est une psychopathe pire que moi... D'ailleurs maintenant que j'y pense je me demande bien quelle folie est la mienne pour me tourner vers elle au moindre soucis... Le coeur a ses raisons que la raison ignore.

Aujourd'hui donc, nous avons rattrapé le temps perdu à parler gaspacho parce que j'ai eu la mégarde de re-souligner mon côté infidèle. Je pense avoir des problèmes avec la monogamie, et ce, par nature; mais j'y travaille. Bref, j'ai dit, comme ça, bêtement, qu' être en couple c'était bien mais fade malgré tout. Et que décider de vivre pleinement la vie à deux, c'était comme l'hygiène culinaire, manger sain et bio et tout, tandis que les coups d'un soir et les flirts puérils, c'était de la junk food. Du bon Big Mac.
Alors quoi, on aime tous manger sain, mais c'est quand même trop bien un hamburger de temps en temps, des chips, des glaces- que sais-je, toutes ces choses mauvaises pour la santé mais bonnes pour le moral. 

Rappelons (je me le rappelle sans doute aussi à moi-même...) qu'en ce moment je vis une grande histoire, que je suis in love, alors trivialement, la question, dans ma vie sentimentalement saine et épanouissante, c'est, (cf Super Size Me), to Big Mac or not to Big Mac?

Ma Ninette elle connaît mon mec, et elle me prévient dès le départ qu'elle est de son côté à lui, car j'avoue que depuis que je passe mes nuits avec lui c'est du répit pour elle quand même, elle a plus de temps pour elle, et elle se fait moins chier avec des conversations de merde... D'ailleurs, elle me l'a vainement demandé, si j'avais pas mieux à penser en ce moment, mais je me suis défendue en lui rappelant que j'adore me prendre la tête sur des trucs trop nuls, "Ah ouais" elle a fait, et donc elle a repris son devoir de grand désamorçage de mes angoisses pseudo-existentielles et surtout vaginales, en  fait. 

En fair-play, elle m'admet d'abord que c'est cool les hamburgers. Mais que bon, c'est pas tout quoi. Alors elle tranche:

"T'as qu'à juste sentir l'odeur."  Maligne la grande... Mais il m'en faut plus, je suis coriace dans le genre...

-Et si j'arrive pas à résister à l'odeur, et que je croque?

"Pense à garder ta ligne ma cocotte."




Touchée-coulée.





Et j'ai eu comme une illumination. j'ai fait ok merci à demain et on a raccroché.
J'ai pris un peu le temps de penser, et de tout sous-peser:

Que d'abord ma ligne j'en ai toujours un peu eu rien  foutre, parce que je suis une vraie gourmande.
Que j'aime bien les hamburgers; ok, je suis trop snob pour le Mc Do, mais assez euro-patriotique pour un Quick.
Et que la vie elle est pas si longue que ça, quoi.

Puis j'ai fait un petit retour à la case départ. J'ai revu ma liste de courses, mon panier affectif, bio, pas bio, mayo, hot dog... et j'ai regardé du côté de l'homme qui est à mes côtés (l'inconscient!), pour voir quel goût il avait, déjà. 
Macrobiotique? Non, mon mec n'est pas de ce bord-là.
Du Quick? Il a plus la classe que ça.

Je crois qu'il est un peu des deux. C'est mon rôti rose, mon magret de canard, et mes petites frites grasses à moi... Avec lui, j'en ai toujours à me mettre sous la dent, et j'ai de la chance, il ne me sert jamais la même chose, ni au lit, ni au sourire. J'ai pas de bonjour-bonsoir, je sais pas vraiment à quelle enseigne je suis; ni ce qu'il est, en vrai. Ce petit caméléon, plein de recettes, m'a bien saisie... Quand je crois que je vais avoir de la bonne viande bien rouge bien saignante, il se montre léger et intriguant comme une belle Roquette; quand j'en veux pour ma crème fraîche, il se dévoile pimenté et fort comme de la moutarde...



Avec ce menu infernal, pour l'instant, he got me.



(C'est vraiment vrai que je pense des trucs à deux balles quand j'ai rien à faire de mon dimanche... Il faut que je rappelle la Ninetchka, pour lui dire.)




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(photo: Helmi Charni... Merci.)

jeudi 18 septembre 2008

L'énigme

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Cathedral Hill Hotel, San Francisco, California. 

On en a parcouru du chemin. On s'est perdu sur les routes ensemble. On en a eu pleins les yeux.
Il y a d'abord ce qu'on a vu comme paysages; du désert vaporeux, et sec, avec un goût qui reste longtemps dans la gorge, et des tours d'argent qui nous éblouissent même les jours de pluie. On voulait tout traverser, en voiture, parce que ça fait du bien d'être cliché, parce qu'on avait le temps et l'argent, parce qu'on s'y croyait. Et il y a ce qu'on a vu de nous, face-à-face ou l'un contre l'autre, main dans la main, bras dessus-bras dessous ou main levée et coup de boule; ça en fait des souvenirs, et sur des décors de cartes postales futuristes et apocalyptiques on entrevoit une chevelure qui se tire ou un tee-shirt blanc relevé, déformé.


En avant la vieille américaine et la poussière. On n'est jamais à l'abri des pannes, mais quand il répare minutieusement, j'en profite pour pisser dans le no man's land et m'endormir au bord de la route, sur la terre dure. Ce voyage nous enrageait et nous excitait comme du bon sexe, nous étions ivres sans trop savoir de quoi, et drogués d'amour. De motels en hôtels on a pas cessé de grandir et d'exploser, de se toucher toujours plus fort et de tendrement se défoncer. On a eu peur d'aimer nos coups, nos dents, nos mauvaises blagues et nos rages; nous sommes des êtres doux dans la violence mais ardents en sentiments. Un Rimbaud et Verlaine sans fuite, sans problème, sans poème. Car enfin à la dernière heure on était toujours là ensemble, à se regarder bêtement droit dans les yeux, jusqu'au strabisme, jusqu'au rire, savourant déjà demain, sa main entre mes jambes au fil des kilomètres et mes dangereux baisers sur les paupières qui l'aveuglent avec insolence.


Il est si daltonien qu'il n'a jamais su mes yeux bleus, et gris. Il ne reconnaît pas non plus mon carmin ou mes rousseurs. Pour lui, je suis d'une autre palette et d'une autre peinture, arc-en-ciel sale intolérant de nuances, éclatant d'orgueil.

Il est 3h44. 
Je ne l'ai jamais vu regarder l'heure. Le premier cadeau qu'il m'a fait est une montre. Une vieille montre Tissot plate, en bois bordeaux, avec le bracelet blanc, en cuir tressé. Une montre magnifique. Il me l'a offerte cassée. Exprès.

Il est tôt.
Mes yeux se cernent de violet et ma bouche pâlit.

Mon bain coule...
Une fois on s'est endormis sous la douche, avec l'eau chaude qui nous fouettait. Dans une position incongrue. L'un dans l'autre. Mais confortable quand même. On s'est réveillé sans étonnement. On a refait l'amour, comme des poissons. Et le bruit de la douche résonnait encore quand on s'est rendormi, lui par terre et moi sur le lit.

Il fume trop.

Il est descendu dans le hall de l'hôtel il y a plus de quatre heures maintenant. Des cigarettes, il n'avait plus de cigarettes. 

Il n'a rien pris. Pas ce qui restait d'argent, pas les clefs de la voiture, pas de vêtement.
Pas moi.
Rien de rien.
Il est parti avec ce qui lui reste d'emprise sur moi, c'est à peine et pourtant c'est insurmontable, et la piètre élégance de n'avoir été mesquin: il m'a tout laissé; il m'a fait remporter le divorce. Malheureusement. J'aurais aimé pouvoir l'accuser, pleurer ses vols et sa bassesse.

Il était temps.
Je me baigne. (Mon bain déborde.)
Je marche dans le couloir de l'hôtel. (J'erre.)
Je reviens. (Eperdument triste.)
Je vomis. (Mais il ne sort pas de mon corps dans ces toilettes grises.)
Je reste, cette fois. (Car je n'ai plus d'idées, et peu de choix.)

Putain. Je me suis faite plaquée avec l'excuse bidon des clopes, ou des allumettes. Moi. La reine de Saba de l'extrême, la tarée d'à côté... Par lui. Mon prince ténébreux, mon ange insupportable, ma douce brute...

Il n'a rien pris, il ne reviendra pas.

J'ai eu un coup de fil de la réception.
Il m'a laissé un mot. 
Il n'a jamais été comme les autres, et même lorsqu'il disparaît trop comme tout le monde, il marque son geste d'une effroyable originalité. Une enveloppe, un mot. Tandis qu'il aurait pu me laisser dans la tourmente, me laisser le haïr, me torturer en me demandant pourquoi, m'interroger jusqu'aux aubes froides. Et échouer. Oublier la raison, me raisonner de cesser de la chercher. Cesser de le chercher. Oublier.

Sans mots, l'oubli serait venu comme un délicieux poison, il se serait emparé de notre histoire et de mon âme pour n'y laisser qu'un peu de nostalgie, de l'amour réchauffé par la mémoire comme avec un malheureux micro-ondes. Mou et tiède. 

Mais il me veut passionnée encore, et forte. C'est ainsi qu'il m'aime, c'est ainsi que je suis.










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jeudi 28 août 2008

Des torts, Détours, Détroit ou le syndrome Dalida.

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Renaissance Hotel, Detroit, Michigan. Il est 9h du matin, je suis bien matinale, malgré ma gueule de bois et mon corps qui m'injurie de tant de substances étranges que je lui ai infligé hier soir.

Mon premier réflexe d'addict à peine à la sortie du lit, depuis que j'ai arrêté de fumer, c'est de prendre mon Macbook qui n'est jamais éteint, idem que mon téléphone: j'en suis victime, c'est tout. Si vous arrivez à arrêter de fumer je veux bien essayer de vivre la vie toute seule. Pour l'instant j'y arrive pas, d'ailleurs mes draps bleus sont encore chauds, il vient de partir... Je me souviens soudain de bisous tendres sur les omoplates et d'un bref au revoir depuis la porte qui claque. Pressé.
J'aime bien sentir l'ordinateur chaud sur mes genoux quand je suis au lit. Tranquillement, je m'installe, même pas besoin de café, pas même pour parfaire l'ambiance, j'aime internet comme il s'offre, brut, à haut débit, boulimique et impatient, comme mes doigts qui pianotent et refusent de faire autre chose que de caresser les touches. J'ai eu le temps, dans mes préparatifs, de choper une bouteille d'eau. La chance.
Hier soir quand je me suis endormie c'était lui l'addict- après un long voyage en voiture il était sérieusement en manque de mails et d'ebay. Je le comprends. Je me suis effondrée comme un gamine un soir de fête sur le lit, pendant qu'il pianotait en sirotant une vodka, et il a poussé le vice jusqu'à ce que mon chouchou rende l'âme: plus de batterie. Un homme étant-non, pas de clichés. Il était fatigué, il a posé l'ordi à côté du lit et m'a tendrement réveillée pour obtenir, après sa dose de virtuel, sa bouffée de charnel. On peut ainsi être addict et victime de plusieurs choses. (Il fume, aussi.)

Ce ne sont que les détails d'une fin de soirée relativement banale dans un hôtel relativement correct dans une ville étonnante. Comme quoi la somme des détails ne paie pas de mine et il suffit de peu, d'un petit vice, d'une mauvaise curiosité, ou d'un peu d'humanité à vif pour bousiller des vacances et faire vaciller un couple. Heureusement, j'accumule ces fonctions, on dirait presque que je suis là pour ça.

Alors j'ai rebranché mon ordinateur, il a peiné pour trouver la force de la lumière en lui, le pauvre, mais il m'a éclairé tout à coup et m'a projeté un dilemme duquel je me croyais indemne et étrangère: de cet étrange écran ami a surgi une possibilité étonnante d'abjection et de perfidie: la boite mail de mon mec m'est apparue. Pas celle du travail, pas du tout, même pas sa vieille boite hotmail, non, la pire, la plus hot, la plus in: son inbox facebook. Beaucoup de jargon pour ce cyber-espace qui n'est que futilité, amour, sexe et volupté.

(Enfin, peut-être que je généralise un peu, mais ma boite mail facebook à moi, c'est tout à fait ça. Je crois bien que c'est pareil pour tous, et sinon, pour les exclus, eh bien dommage...)

Quand je parle de dilemme dans ce genre de cas tout à fait classique, c'est que je m'exclus de trois catégories: les filles d'entre 13 et 16 ans, les filles psychopathes-pirates qui ont déjà tenté de deviner le mot de passe de leur tendre et cher pour fouiner, et les filles biens. Pour reprendre Melle Pille et pour faire pire si possible, je suis une salope, du genre sans scrupule et sans vergogne, suffisamment éduquée pour me rendre compte que je suis face à un dilemme mais pas assez pour ressentir en moi le respect profond qui m'interdirait de dépasser les limites et de violer l'intimité de mon prochain. Parce que d'abord ce prochain-là j'ai encore ses trucs à lui dans mon corps, alors on fait fusion un peu quand même, et ensuite je suis trop curieuse pour respecter le concept d'intimité. C'est flou, c'est vague ce truc; la curiosité est un vilain défaut, balivernes que je me disais, on a bien découvert pleins de trucs grâce à la curiosité comme... le théâtre gallo-romain de Lyon, par exemple. (Je me surprends moi-même de tant de références.) Bref, moi, proche des archéologues et autres curieux, curiositeurs, curio-agitateurs du XXIème siècles et des précédents, admiratrice du pourquoi tombe cette pomme au E=MC2, je me suis dit que c'était une bonne idée de fouiner dans ce machin-là qui ne m'appartenait vraiment, mais vraiment pas.

Je n'y suis pas allée de main morte. J'ai fais une étude quasi-scientifique. Exit le superflu, je me suis concentrée, telle une bonne élève, sur toute cette gent dont j'avais ouïe dire, selon deux critères précis: féminine (bien qu'on ne soit jamais sûre de rien...) et anciennement sexuellement pratiquée par mon cher et tendre, qui s'avère plus coriace que je le croyais.

Permettez-moi une question, purement rhétorique certes, mais pas moins intéressée: sentimentalement, vous faites dans le recyclage? Ou dans le partage? Je veux dire, vous réutilisez les surnoms que vous donniez, ou vous employez avec plusieurs personnes ces formules que vous savez, par expérience justement, charmantes et effectives? 
Moi, non. 
Un peu de créativité bordel, ce serait trop facile sinon. Je n'y vois qu'une seule exception: la cuisine. Plusieurs connaissent mon poulet thaï ou mon gâteau au chocolat, fameux même. Mais c'est parce que la nourriture c'est un besoin nécessaire et récurrent qu'il est difficile de parfaitement maîtriser en cuisine et qui demande bien souvent répétition. Cela dit,  même pour ce qui est des caresses, j'essaie de ne pas me répéter, et puis vous imaginez, se dire "tiens, lui il aimait bien ça alors je vais le tenter...". Beurk. Nan. Je suis contre.

Autant vous dire que mon mec a un point de vue tout à fait différent sur le sujet. Apparemment ça ne lui pose aucun soucis, ni existentiel, ni créatif- et son orgueil n'est pas titilleux de ce point de vue-là. Ainsi, me voilà dans une spirale infernale qui tourne autour de quatre-cinq filles (heureusement qu'il est timide) à qui il dit les mêmes choses qui m'ont séduites; je n'ai pas eu l'exclusivité du petit nom, ni celle du vouvoiement (qui me plaisait tant), encore moins celle de la pensée envoyée à l'improviste lors d'un voyage au Royaume-Uni. Sympa.

Je reste sceptique face à tant de fracas: j'ai martyrisé mon estime (je me sens bien conne en lisant tout ça et me voyant dans l'incapacité à pouvoir concrètement formuler des reproches), esquinté mon couple (il fallait bien que je me méfie de l'eau qui dort), salit mon homme (c'est une ordure d'Alain Delon), et pire que tout, j'ai brisé mon petit coeur pourtant si rafistolé à la glue 3, garanti moins cassable: je ne suis pas sa princesse, comme il disait, ou bien on est plusieurs candidates pour le trône.

En clair, je me suis faite avoir. C'est ce que j'appelle le syndrome Dalida, il a suffit d'un vouvoiement à sonorité érotique et d'un titre princier pour me mettre dans son lit, et m'y garder soudée en plus: bon marché la fille.
Perdue dans mes pensées scabreuses et morbides, prisonnière de ma bêtise et alignée par des vieux adages nuls, la curiosité... blabla, je ne l'ai pas entendu arriver dans la chambre.
J'étais trop perturbée à m'écouter:

Tu ne peux rien dire.

Tais-toi.

Ca t'apprendra, vilaine.

Mais n'oublions pas que je suis féministe, ce qui m'autorise toutes sortes d'originalités et de requêtes qui vont bien au-dessus des basses lois conjugales ou des principes essentiels.

C'est un salaud.

Balance.

Assume. (Toi aussi t'as des couilles, merde.)



OUI. J'ai craché le morceau. Sans mentir, j'ai rien omis, ni ma lecture détaillée, ni mon acide déception qui me glaçait. Minable, je me perdais dans une conversation absurde à base de et pourquoi à elle tu lui dis vous, et c'est quoi son tatouage, hein,  et elle aussi c'est un ange?, elle a pas l'air, je savais pas, hein, mais je croyais qu'entre vous c'était naze, hein, mais là, le 3 mai d'il y a 10 mois, tu lui dis qu'elle te manque, et blablabla. Me suis fatiguée moi-même.

Il m'a calmé. Evidemment, ou heureusement. Comme lui seul sait faire. Il lui a suffit de quelques mots pour que je recouvre ma docilité et ma confiance, et pour qu'il voit à nouveau dans mes yeux briller la tendresse et l'amour. Quelques douceurs de sa voix rauque m'ont suffit:








Que sont les mots à côté des moments que l'on vit ensemble? Franchement?

Puis il a ajouté:

Vous savez bien que je suis fou de vous, ma princesse. 



J'avais failli oublier.



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mardi 5 août 2008

Pourquoi les gens qui s'aiment...

Il faut que j'arrête de me mentir. Je suis prête, c'est indéniable, et malgré tout, sereine. Au début, j'étais flippée, mais ça y est, je commence à m'habituer et à comprendre les conséquences de la chose: JE SUIS EN COUPLE. Jusqu'au cou. Foutue, de toutes les façons. Excusez le manque d'élégance, mais quand même, il y a de ça. On attrape pas les mouches avec du vinaigre...
Alors voilà, ce n'est pas tellement original comme histoire, c'est même presque con; on s'appelle, on s'écrit, on se voit, pas tout le temps mais ce qu'il faut; je ne me demande pas s'il va penser que; il ne passe pas son temps à vouloir savoir je fais quoi. On est super libre mais en fait on est hyper attaché. Rien d'impressionnant.
Je le trouve trop beau.
Je pense qu'il me trouve belle.
Il me fait craquer.
Il ne me résiste pas.

Bla bla bla, gnan, gnan, gnan. (Je me déteste.)

...


...

Je n'ai déjà plus rien à dire. Il est là le problème. A un certain niveau, le bonheur, c'est chiant. Ce qui ne veut pas dire que ma vie est parfaite et qu'il ne m'arrive rien de tragique dans le fond; mais le fond, il est trouble, et il est à moi, je ne le partage pas.
Ainsi je me mords la queue: je ne peux parler des choses difficiles à cause d'une pudeur absurde qui m'autorise intimement à parler de mes fesses, et surtout de celles des autres, plutôt que de mon âme; et d'un autre côté, mon allégresse amoureuse perturbe mon inspiration torturée et sinueuse.

Je regrette un peu mon passé pourri, mes époques scabreuses, mes mauvais coups au lit qui permettaient tellement d'interrogations existentielles et d'indignation (mais quand vont-ils enfin savoir situer le clitoris?), tous ces petits membres pleins de bonnes volontés qu'il était si difficile de congédier sans en donner la vraie raison (un c'est pas toi c'est moi vaut deux casse-toi l'impuissant), tous ces échecs érotiques ou intellectuels (il connaît pas Dali!) c'était ma meilleure matière. Mon ambroisie de superficialité à tisser. Une fine broderie de néant.

Mais là je suis coincée. Je sais plus quoi écrire, enfin ici je veux dire.
J'ai bien peur que mon bonheur m'entrave les connexions neuronales; le concept d'âme soeur m'abrutie. Comme si ça me suffisait, je me torture moins, je suis plus en harmonie, je fais moins ma chieuse. J'ai cessé de remuer. Je ne sens plus d'activité dite masturbation intellectuelle. Ca me manque...
Merde.

*Message personnel à l'attention de R*

Désolée bébé mais tu va t'en prendre plein la figure. Je suis à bout de souffle dans ma tête et je suis un peu trop orientée vers toi, il faut assumer, alors mon laboratoire créatif, désormais, ce sera toi.

Surtout, tout ira bien, ne t'inquiète pas.
Ceci n'est que de la fiction.

(sourire)



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vendredi 11 juillet 2008

Moi non plus

Je ne sais plus comment on dit Je t'aime.

Je crois que je l'ai trop dit. Et trop entendu aussi. Ainsi, mon vocabulaire et mon coeur se seraient essoufflés en même temps, progressivement, et les deux désormais me jouent des tours: aucun mot ne me vient aux lèvres, et plus rien ne fait palpiter mon petit organe. Enfin presque. Je ne sais plus, je ne sais pas. Je l'ai prononcé en toutes circonstances et à tous les degrés d'amour, alors aujourd'hui quand je ferme les yeux et que l'envie me prend ne serait-ce que d'y penser, quand je crois que peut-être j'aime (attention) et que je voudrais le dire (ô miracle), tout à coup une fausse actrice mime mes paroles à ma place, et je la déteste parce qu'elle m'empêche d'aimer, d'être, avec son brushing ondulé et ses faux cils; elle est fatale mais dans une heure et demi elle n'aime plus personne, elle sera partie. Comme ça. Comme moi.
Ce tintamarre de mots d'amour m'a noyé, comme un moteur trop plein d'essence, plus rien ne démarre: je ne reconnais plus si j'aime. Je m'appuie sur un passé qui ne cesse de progresser et je cherche vainement des indices pour juger mon baromètre amoureux. 
J'aime depuis que j'ai douze ans. Mon coeur s'est fait dépuceler en colonie de vacances, c'est assez classique, un grand coup de foudre avec un J-B aux cheveux longs et au tee-shirt large. On s'est regardé, on s'est aimé, on s'est embrassé le soir dans un parc; il y avait des feux d'artifices et j'avais une chair de poule sur tout le corps qui me mit la puce à l'oreille sur ma précocité. Il vivait en Normandie, ç'a été notre drame, mais enfin, il existe un amour pour tous les âges et à chaque saison, un petit tour et puis s'en vont, et viennent les amours prochaines, petits bourgeons. J'ai vibré des amours très différentes, avec un corps qui muait à chaque fois, jamais le même: j'ai aimé une première fois dans le noir complet, les volets fermés et sous les draps; puis mes seins ont poussé, tandis que mon ventre fleurissait; les persiennes ont peu à peu fait lumière sur nos chairs et nos coeurs...

Alors j'en ai crié des Je t'aime au fond des nuits, et j'en ai susurré le matin; j'en ai pleuré l'après-midi, de ces déclarations d'amour-là. J'ai bien sûr dit Je t'aime comme tout le monde. Comme un garçon, juste pour faire l'amour, et j'ai fait semblant d'aimer afin de goûter à une belle histoire de corps; et comme un salaud, j'ai carrément menti, pour faire plaisir, ou parfois par ennui, ou encore comme un bluff au poker: j'ai tenté le coup du Je t'aime pour voir s'il pouvait faire monter nos mises et exciter notre jeu. Beau coup de parlotte.
Et comme une fille, je l'ai dit au comble de l'orgasme, même entre deux portes cochères, d'un besoin de mettre un peu de poésie partout; ou encore je l'ai avoué les yeux pleins de larmes et d'idéal, amoureuse, réconfortée et certaine de notre avenir. Mais un peu trop souvent pour que j'en reste sincère. On ne badine pas avec les Je t'aime, parce que c'est de la connerie: ils bousillent l'amitié, alourdissent le sexe, confondent les passions et enlaidissent l'amour. Il nous faut trouver des alternatives, car quand on l'a entendu cinquante fois sorti de toutes sortes de bouches, de toutes sortes de voix depuis la maternelle, du garçon boutonneux au lourdeau de l'adolescence, et qu'à chaque 14 février, même la vitrine du Monop' le revendique, quand on aime vraiment, putain on a bien du mal à le dire, et à l'entendre. On est saturé, puis ce serait trop moche un amour à la grande surface, et on a de l'orgueil lors d'un nouvel amour: on ne veut pas qu'il soit pareil, alors on lui brode des détours et des alternatives: on se dit qu'on s'apprécie; on s'adore; on s'aime beaucoup, à la rigueur, et encore. Phonétiquement, il ressemble de trop près à l'officiel, celui-là.

Cette furie imaginative pour ne pas être ce roman à l'eau de rose ou ce mauvais film d'amour du dimanche soir peut mener loin, très loin, simplement pour sentir niaisement qu'on foule la terre d'un pays merveilleux jamais découvert. Dérisoire obsession: la carte du Tendre a déjà été dessinée. On recherche l'ombre, le secret, et même l'exotisme pour fuir en avant vers cette rare artère du coeur pas encore bouchée d'une alimentation sentimentale trop sucrée et trop grasse.
J'ai aimé un Argentin en argentin, et hypocritement j'ai trouvé un grand soulagement à pouvoir abuser du Je t'aime à tout va dans un autre langage. Ca paraît tout bête, mais c'était différent. Enfin j'entendais un mot dont je cautionnais et partageais le sens sans écoeurement; ses Je t'aime à lui m'étaient nouveaux, jamais entendus, jamais murmurés aux creux des oreilles, ou des reins.
Te amo. Original. Génial.
Ces deux mots-ci m'ont donc sauvé la peau quelques années, j'ai pu baisser la garde, les armes, et vivre un peu d'amour vrai. Cependant si j'en comprenais le sens, je crois que, idem qu'en français, j'en ignorais l'usage, et me voici de nouveau sur le carreau, ou plutôt sur le pavé, dans les rues de mon Paris, mon alliance en poche. C'est fini l'Argentine, c'est fini les sorties de secours, j'ai un chemin à renouer avec ma propre langue avant que d'aller m'aventurer dans les territoires des redoutables passions latines.

Ce soir j'ai rendez-vous. Peut-être. Avec un quelqu'un qui m'est important. Et tandis que je me paume entre les lignes tressées de l'amour, entre celui que je n'ose ressentir dans un monde qui a tout montré, et celui que je tais parmi l'océan de mots bleus qui nous subjugue, mon frère m'offre sans détour ce qui pourrait être ma derrière ligne: tu dis Je t'aime quand t'aimes, c'est pas compliqué.

Mais je sens bien que je n'ai pas encore dit tous mes mots; il me faudrait une suite. Parce qu'après tout, à chaque nouvelle histoire ce n'est qu'un fil que l'on suit encore, que l'on rafistole, et l'on réagit à fleur de peau quand viennent les saveurs d'antan. Passé vingt ans, on essaie de ne plus se faire poser de lapin, quand même. Quelques b.a-ba dans nos ébats. Une tendre intolérance apparaît: notre moitié se fait moins supportable au fil des jours, et l'on tente dans notre ultime inquiétude de s'épargner soi-même. Mais je crois que c'est là chose vaine: l'enfer, c'est l'Autre, avec ou sans sentiment; le problème ce n'est pas le Je t'aime, mais toute sa signification en puissance: dire Je t'aime, c'est continuer; c'est recommencer; c'est s'exténuer, se laminer, ou s'éclater, aussi. Parfois...

C'est replonger une énième fois dans ce lac plat et sombre, insondable, et dans lequel j'ai d'ores et déjà trop bu la tasse.



A suivre.



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jeudi 19 juin 2008

Jules & Jim, again.

C'est drôle comme avec le temps l'on change tellement que l'on devient parfois étranger à soi-même. Quelques instants.


Je me rappelle d'une enfance tendre et dorée durant laquelle je défendais avec acharnement mes valeurs. Je puisais ma force dans la rationalité, et à dix ans l'on me disait cartésienne. Ou presque. Je ne sais pas si c'est Truffaut, la belle Jeanne, ou le tourbillon de la vie qui m'ont entraînée vers ce chemin de traverse que longtemps j'ai trop ignoré pour ne pas m'y reperdre aujourd'hui encore. À l'âge où les Jules se mêlent aux Dulcinée timidement, j'ai plongé la tête la première dans l'inimaginaire de mon imagination, le plus improbable de tous mes fantasmes: j'ai eu un Jules, et un Jim. 
Au départ, c'est parce que j'hésitais, indécise, trop de choix peut-être. En cette douce nuit d'avril j'étais confondue... Mais, tu les mérites tous, m'a dit un bel ami, alors pourquoi choisir? Voilà donc la première confrontation à mes frontières mentales, à mes limites intimes: je me devais de les repousser, un peu, pour mieux déployer mes désirs. 
N'allez pas croire qu'il est aisé de ne pas se prononcer clairement sur un personnage de la gent masculine; j'ai du faire des courbettes de cils et des regards de femme fatale, ou de petite fille hagarde, des réparties bien trempées ou des silences prononcés pour passer entre les étroits filets de l'homme sûr de lui. Il me veut, moi, et moi je veux lui, oui, ou l'autre. Aussi.
J'arrivais à peine à croire en mon jeu que je flirtais déjà entre mes deux jeunes hommes, l'ivresse et le noir m'aidant à me croire femme, et forte. Et pourtant ma délicate position, ce n'était pas du porno, de l'obscène. Quand je pense Jules et Jim plutôt que Rocco et ses frères, j'ai mes raisons. C'était mon cinéma. Avec un beau scénario.

D'abord, parce qu' ils s'aimaient étrangement, intensément. 
Ils s'aimaient plus qu'ils ne m'aimaient, moi, et c'est pour cela que ça marchait, notre histoire. Avant l'une de mes caresses, il y avait leur camaraderie, leur passé commun, leur histoire, leur histoire d'amour d'amitié qui nous englobait et qui m'intégrait doucement. Avant mes baisers, il y avait leurs complices regards. Avant ma peau...
Il nous aurait fallu peut-être de la prudence; notre fougue l'a remplacée par du silence. Ainsi, nous n'avons jamais évoqué ce tendre printemps, chaud comme le pire des étés; serait-ce par pudeur, par ignorance, par gêne?Que sais-je. Il est difficile de décrire l'instantané, de colorier aujourd'hui nos cartes d'enfants du passé.  Par mes mots je brise à tatons notre pacte d'arbre gravé, mais c'est peut-être mon rôle d'y mettre le point. À défaut d'une Catherine, d'un vrai suicide, je nous tue littérairement. Je leur essaie des étiquettes, à mes amours, je les appelle par d'autres noms, d'un autre film qui n'est pas le nôtre et qui pourtant nous ressemble superbement.
Vivre un bel amour, finalement, c'est peut-être pas si compliqué que cela. Nous avions bon nombre d'ingrédients pour que fonctionne la terrible recette, et l'inventaire de la passion était complet: nous étions très jeunes, on se foutait de tout et notre meilleure évasion était  une vieille belle bagnole. Et cette route, face à nous, sans brouillard et sans limite. Que du soleil. 
Je me souviens bien, on voulait aller jusqu'à l'eau, jusqu'au sel. Nous sommes partis à l'aube, on s'était simplement pas couché. La voiture fonçait, le paysage se déroulait et s'évanouissait avec des gris et des verts de campagne. À peine arrivés, on a d'abord acheté du vin, puis des fromages, et du pain, pour un pic-nique sur la plage... On se voulait hédonistes. 
Et comme si déjà à trois c'était trop, déjà, la plage était déserte, morne et ensoleillée, sombre et éblouissante. Belle mer du Nord, sel de nos rires qui éclaboussent. Il nous aurait fallu un polaroïd pour immortaliser cette aube-là, du concept, mais nous n'avions que nos yeux mi-clos, endoloris de manque de sommeil et de trop d'alcool, pour nous souvenir... Pas d'images pour ce jour qui nous a peint de la façon qui nous ressemble le plus. Pas même un brin de musique pour accompagner nos cheveux qui s'emmêlaient au rythme des vagues et du vent. Mais on a dansé quand même, on a tourbillonné... 
D'abord moi seule. 
Puis à deux. 
Puis à trois.
Again.
Les mains se serrent et se desserrent, quand l'un se couche ventre au sable, les deux autres se lèvent, viennent, vont, et vice-versa. Et vice-versa. Un versatile vice. Un vicieux versant. Une relation recto-verso, où tout est bon à prendre.


Je me suis endormie dans la chaleur de la plage et des bras de Jules. Jim était parti faire un tour. 
Je me suis endormie dans la chaleur de la plage et des bras de Jim. Jules était parti faire un tour.
J'ai dormi seule au soleil. Jules et Jim sont partis se balader ensemble.


Je les voyais faire des conneries vers la marée basse, là-bas. Ils m'ont ramené des coquillages et un tout petit crabe mort. Ils me l'ont lancé dessus pour me faire peur, mais je crois qu'ils ont dû bien prendre sur eux pour le ramener jusqu'à moi. Ils étaient aussi délicats, et peureux. Je me suis enfuie, j'ai couru, alors j'ai couru, et j'ai couru encore; Jim était derrière moi, et Jules devant, ou c'était le contraire, je ne sais plus. Non, je crois bien qu'ils étaient tous les deux derrière, ou ensemble devant. Eux et moi, moi et eux, lui, moi, lui, moi, lui. Peu importe. C'était une nouvelle géométrie amoureuse, comme dans un Duras. Pour bien s'aimer, être trois?

J'ignore encore si c'était une journée, ou plusieurs, et si ce sont les mois qui nous ont séparés, ou la vie elle-même; l'âge de raison n'est pas tendre pour les sales gosses. 
Nous nous sommes revus, reparlés, retouchés, r'aimés. Jusqu'à ce qu'un jour, de nous trois n'en sont restés que deux. Presque naturellement. Était-ce la logique et le travail du temps qui nous martelaient la tête, le goût sucré des relations en duo qui nous a dérobé, ou un pur hasard? Qui, de nous, a choisi? Dans notre langoureuse danse, pourquoi s'est-il éloigné? L'avons-nous délaissé, affaiblis par d'autres sentiments que de la complicité amoureuse à l'état sauvage?
Nous avons pris la même route intemporelle, lors d' une autre aube, et sous le même ciel on a voulu rouler avec la même vitesse. Nous sommes arrivés, plus sous ce brûlant soleil mais embués de brume. Aveuglés de ce fameux matin blanc. Nous avons dormi sur la plage, entrelacés l'un dans l'autre. Plus simplement. Nous avons eu nos silences, nos moments complices; à défaut d'une ancienne camaraderie, nous créions notre propre passé, notre manteau de souvenirs. Une nouvelle amitié, un autre amour... 

Le temps avait coulé, huileux, rapide, glissant; ce n'était plus la même bagnole, ce n'était plus le même chemin à parcourir. 
Notre voiture, ce matin-là, n'avait que deux places. Pas une de plus.
Le choix nous a donc ravi notre troisième maillon et nous ainsi, on était plus que deux, symboliquement et fortement, deux, comme des poumons, ou des alliances.





Deux. Comme des yeux.







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vendredi 6 juin 2008

Celui dont je ne peux prononcer le nom

Mes amants sont mes muses.
Tous, même ceux que je n'aime pas. C'est à croire que la vie me les offre un instant pour cruellement et superbement les transformer en matière littéraire. Des yeux qui deviennent des E dans l'O, des sourcils circonflexes, un sexe en l minuscule, ou majuscule, tout dépend, il faut avoir un peu de chance dans le clavier-caleçon. De leurs mouvements de reins, j'en fais de longues lignes hybrides, avec des points-virgules, et parfois des vers passionnés. Des alexandrins baptisés pour un Lissandre, ou un Patrice. Du mot, des guillemets pour les choses que l'on m'a dites et que je répète, l'italique pour la façon de parler, un argot bien placé, l'expression d'une émotion ou encore le verbe d'un bel italien. En bref, le dictionnaire m'offre presque plus de palette que les sentiments, et grâce à ceux qui croisent mon chemin, j'écris lentement le livre de ma vie, tandis qu'ils salissent ou s'amusent sur mes pages vierges. Il faut dire que je suis une méticuleuse, une torturée, et que je retiens tout. Les histoires sans pause, sans blanc sans virgule; d'autres où je saute
                                                          à la ligne, je passe, et j'hésite en suspension... Certains amours ne méritent ni majuscules ni de "vous", mais un tutoiement intime, impératif, une apostrophe osée, un viens qui se murmure au fond du lit ou qui se crie dans une nuit d'alcool...
Que j'aime écrire sur eux. Mes muses... Mes muses détestent cela. Mon regard amusé qui écoute et qui en un clin d'oeil se vide pour mieux penser, s'enfuit pour mieux écrire, se dérobe pour moins s'attacher; les bons mots ou les disputes ratées relatées, les déclarations peintes pour s'amuser, c'est insoutenable pour mes protagonistes. Peut-être se rêvent-ils chantés en un éloge ou un sonnet moiré, une élégie amoureuse, un tableau flamand d'un clair-obscur flatteur, une douce lumière de chambre, ou de campagne. Mais il n'en est rien, je suis contemporaine, alors ce sont des spots rouges et blancs, et voyeurs, qui décortiquent les corps et choisissent les parties les plus intimes sans scrupule. Une science de l'approche et du partage. Mais je suis mauvaise joueuse, intraitable: l'autre se donne, et moi je le prend carrément plutôt que de donner un peu de moi-même à mon tour. J'ignore ma couleur et ma propre matière, voyez-vous. J'ai bien moins peur de m'attaquer aux masses existentielles des autres, au risque supposé peu dramatique de me tromper, que de mal me sculpter moi-même et de me rater. Peut-être qu'encore tout simplement je m'entraîne, et que bientôt je serais suffisamment experte pour enfin cesser de faire mes griffes sur les autres, en plein dégât, et commencerais-je enfin ma propre toilette.

Mes chéris.
On a voulu me quitter pour mes sarcasmes ou mes publications; on m'a reproché si fort mes divulgations que j'ai dû choisir. Mais choisir entre ce que j'écris ou la personne, cela me revient à choisir entre lui ou moi. Et me voici là, bien vibrante, alors vous savez bien ce à quoi je ne peux me nier. Cependant ils n'ont pas tort. Parce que le vrai problème de mes muses, c'est que ce sont des muses, justement. Des supports humains parfois froids, parfois lointains, pour mes éjaculations poétiques, mes rêveries amoureuses, mes fantasmes. Mes poupées que j'aime à chouchouter, à vêtir à ma guise... Ce sont moins des hommes, mes hommes. Et si je peux écrire sur eux, c'est qu'encore j'ai la tête froide, le coeur loin d'éclater et la maîtrise de mon corps. Car je ne saurais véritablement prendre le risque d'abîmer la matière brute et pure d'un réel amour, d'une vraie histoire.


Ainsi il y a ceux sur qui je n'écris pas, ceux que je cache. Ceux qui me laissent muette, bouche-bée, en malaise de vocabulaire. Je dis ceux, mais il n'y en a sans doute qu'un seul, indéfinissable et particulier, qui me fait ravaler mes mots comme cela: celui sur qui je ne peux pas écrire. Parce que les journées passées avec lui sont déjà tellement romanesques, pas besoin d'en rajouter, nos tableaux sont parfaits, vous dis-je. Et s'il manque quelque couleur, on la choisit et l'on s'y attarde ensemble, et n'allez pas croire cette bêtise toute simple de croire que nous créons main dans la main. Non, c'est bien plus une dangereuse danse, un troublant va-et-vient, un tango de celui qui se dérobe sans pour autant négliger l'autre. Il m'amène d'un pas certain, tout contre sa hanche, vers la nouvelle oeuvre qui s'ébauche. Un cadavre exquis de la vie, de notre liaison. Il faut être alerte, rapide. Toutes nos répliques, c'est de la Nouvelle Vague, du cinéma, il aime mes fesses et l'on a les cheveux dans le vent, et ça je ne peux pas l'écrire. Ca a déjà été fait, même si on le fait mieux encore.
Et l'on fonce droit devant; je ne peux pas m'asseoir sur le bord de notre route, ne serait-ce qu'un instant, pour écrire ma contemplation. Elle est éphémère et frivole aussi fortement qu'elle nous est nécessaire, mais jamais acquise. Voilà, c'est cela aussi, du travail appétissant, un effort créatif qui me bouffe le stylo, qui épuise mon encre. Ne reste que nos souffles, et nos demi-mots. Et quand on se perd, là-bas, au bout du tunnel, ou dans la forêt de la mémoire, tendrement on tourne la page blanche... C'est d'elle dont j'ai tant besoin: elle est parmi la densité des mots comme un parc frais, ou l'océan chéri de mes possibles.










Pas de mots, pas de mots, rien que du chant désespéré, de la voix, du cri. Et tout le reste n'est que littérature.





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lundi 2 juin 2008

Gala ou mes amarres

"Je pense... Je pense... Je pense qu'on en apprend bien plus sur soi quand on se fait larguer que quand on largue."

Tu m'étonnes. Elle avait bien pensé et bien pesé ces bons mots. Ton affirmatif. Trois heures trente du matin, assises sur un bout de trottoir rue Montmartre, les yeux vitreux, toutes deux un peu ivres, en train de philosopher sur la vie, enfin, sur l'amour quoi. En général, je commence ce genre de conversation par mon sujet fétiche: le sexe. C'est mon dada. Mais là, c'était différent. Rien à voir avec l'idée que l'on défend de soi, aucun rapport avec le beau score des combats relationnels qu'on a plus ou moins magistralement remportés sur la gente masculine. Là, je suis dans la merde parce qu'orgueil et séduction à part, elle me parle droit dans les yeux de quelque chose de plus profond, je ne sais pas moi, l'humilité, la dignité, la connaissance de soi, la remise en question, en tout cas quelque chose qu'apparemment j'ignore. Bordel. Et me voici qui creuse dans mes souvenirs pour vérifier si on m'a largué un jour. Ouhla. Malgré la masse dense des souvenirs, entre deux verres ou des voyages, entre les saisons ou les écoles, je me lance rapidement dans un inventaire qu'on s'accorde tous à qualifier de dégueulasse mais que l'on fait tous (un peu): que celui qui n'a jamais baisé taise le premier numéro. Pour ma part, c'est vital en termes de mémoire: je ne me souviens jamais de quelle année on était, mais avec qui je couchais. Enfin, sortais. Enfin, fréquentais... Voyais, croisais, évitais, je ne sais même plus quel mot employer pour toutes ces relations. Qu'elles durent deux heures et l'on aime encore, qu'elles durent des années et l'on n'en parle plus, au fil du temps ou des téléphones, night and day, ça se bouscule et ça s'est bousculé, alors pour la définition... En tout cas, pas de date, que des référents émotionnels; finalement je suis plus humaine que je ne le crois. Mes années, ce n'est pas 2001 ou 2005, mais c'est quand Maman est morte, quand j'ai passé le bac, quand je servais des cafés... Ou encore l'été que j'ai passé avec Sayat-Nova. Je me rappelle mieux. La canicule. Nous on s'envoyait en l'air pendant que les vieux crevaient; on transpirait de tous les pores de nos corps tandis qu'ils se desséchaient. Il y a aussi l'année où je suis partie en Argentine, l'année où je me suis mariée... ça peut certes sembler réducteur, parce qu'il se passe des millions de choses en une année, et puis ça peut sembler égoïste aussi, parce que je ne pense jamais l'année où les Twin Towers se sont effondrées sinon l'époque où je portais la frange. No comment. On fait comme on peut, avec ce qu'on a.
Je digresse, là, maintenant, et je digressais avec elle, perdue dans le flux, perdue dans les pensées... Je me noyais: à boire! ça aide. Alors je me suis souvenue petit à petit (elles nous servent à quelque chose les listes qu'on fait avec Ninon, finalement) et tout ce que je visionnais c'étaient mes ruptures, nombreuses, entassées, en pagaille, en constante dégradation qui plus est: les premières, en face-à-face, honnêtes, avec des larmes et de la trouille; puis sur un mode épistolaire mélancolique et dramatique; quelques mails enfin, de plus en plus brefs, jusqu'au terrible silence radio. Elle est loin l'appréhension, la boule au ventre. Jusqu'à ce que je rencontre celui avec qui l'on se sépare tout feu tout flamme, à grands coups et à grands cris, et que je décide que la meilleure façon de ne plus se quitter, c'est de directement ne plus se mettre ensemble.
J'étais triste en pensant à tout cela. Et c'est là qu'il est apparu comme le messie de ma liste: mon amour du Sud qui m'a plaqué. Je vous tais son nom parce qu'encore j'ai de l'orgueil. En me souvenant de lui, sur le coup j'étais contente, amusée même: Ah oui, j'ai dit à ma copine, y en a un qui m'a quitté. Silence. Tandis que je me demande ce qu'il a bien pu m'apprendre, mon briseur de coeur, tandis que je passe au crible cette sale nuit trop étoilée où je l'ai même supplié, en larmes, je me rappelle sa faute: il m'a rappelé quelques mois après, désespérément désespéré et encore amoureux. Zut. Il ne compte plus alors, il ne peut pas compter, il en faut un qui m'ait vraiment quitté, en m'ayant balancé tous mes défauts à la gueule sans regret. 

Au bout du compte, moi qui croyais que je m'en sortais plutôt pas mal, je me suis sentie bien minable, ce soir-là, d'être passée à côté de la plaque; désormais convaincue que la réelle expérience que je veux et que je crains de vivre ce n'est plus l'amour, sinon comment s'en défaire quand il vous colle à la peau, seule, et non plus sortir de la vie de quelqu'un comme on y est entrée, comme une inconnue, Merci, Au revoir. Certains me haïssent encore pour ça. Alors peut-être pour leur rendre hommage, je me dis qu'il me faut les rattraper; à défaut d'avoir voulu véritablement les connaître, je peux encore essayer de connaître ce qu'ils ont ressenti, vécu. C'est là je crois que je suis censée apprendre quelque chose de vraiment cool, de vraiment marquant. Quoique... Une fois... Une fois on m'a quitté au bout de quatre jours d'idylle! À la terrasse d'un café corse en plus. Mais grâce à lui, et je l'en remercie encore, j'ai rencontré quelques jours après un autre amour, plus grand, plus mieux; est-ce qu'il compte alors? Certes, cette rupture n'était pas dépourvue d'enseignement important: mon furtif amoureux était homosexuel. L'expérience finalement ne m'aura pas servi à grand-chose à part être carrément libre pour le suivant...

"Le suivant".

Ce n'est pas avec ce genre de vocabulaire que je vais arrêter de taper dans la superficialité, toucher l'absolu, et plonger un peu plus dans mon moi insaisissable.
Tout est perdu? Je suis donc perdue?
J'ai un amour, là, aujourd'hui, hier, peut-être demain, qui a bien voulu m'aider, quand il a su ma quête du Graal du rejet amoureux: "Ah ok bah je ferais un effort pour te larguer alors."
Direct le mec, même pas le temps pour une virgule.

Heureusement que je suis entourée de gens qui m'aiment et me comprennent.

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dimanche 1 juin 2008

Les petits poids

Poids. Il y en a qui en recherche la perte, et moi j'en demande la présence. Du poids; non pas que j'en pâtisse: j'ai ceux de ma conscience, et pas des moindres. Les erreurs, le mot de trop, le mot que j'aurais voulu dire... Parfois effectivement ça fait lourd. Il y a aussi les nichons, le ventre, que sais-je? mais c'est du poids en trop, ça c'est sûr. Non, pas cette robe, pas ce pantalon, pas ce gilet, c'est lourd cette insatisfaction, certes, mais ça ne me va pas, je ne rentre plus dedans. Et puis j'ai ce livre honteux qu'on m'a prêté (vraiment), le Guide des Régimes, style bête et léger pour trop peu de résultats finalement: j'ai pas perdu un gramme, pas comme mon copain Helmi qui faisait la nique à Homer Simpson et qui maintenant est tout maigre. Ai-je bien fait de le mentionner, mon superman des kilos? Bon, ce n'est qu'un autre petit poids sur ma conscience après tout, je m'en remettrais va, c'est comme l'apéro, je devrais peut-être pas, mais je le fais quand même.
Ma vie parfois j'aimerais qu'elle soit moins flottante, que ce soit plus du lourd. Qu'elle en jette. Trêve de jeux de mots, mais quand même hier ça m'a pesé: on avait rendez-vous, j'attendais son appel, et rien: paroles, paroles, paroles. Au début, je croyais que je m'en foutais et même je trouvais ça drôle; bizarrement je me suis rentrée chez moi ivre, très très tard, et après avoir mangé un kebab de la rue du faubourg du Temple... Il faut bien que je me l'admette: je n'ai pas vraiment pris les choses avec légèreté. C'est au réveil que j'ai capté le truc. J'ai dormi toute seule dans mon grand lit. J'ai bien dormi, j'ai même bavé un peu, et quoi qu'on en dise de nos petites tâches d'humidité, ça reste les meilleurs dodos de la vie, ceux-là. Alors voilà, bien dormi. Seule quand même. Et quand je me suis réveillée à dix heures pour faire pipi, comme d'habitude, j'ai jeté un coup d'oeil à mon téléphone, et lamentablement j'ai bien vu que mon prince charmant ne tenait pas ses promesses sans gros souci de conscience. Pas de problème de poids pour celui-là, c'est dire qu'il se croit vraiment bien gaulé, avec son silence. Mais j'y ai cru quand même et c'est toute là l'étendue du problème des régimes de ma vie: j'ai senti un poids, ce matin. Agréable, comme une bonne main sur le cul, la main de l'amant qu'on aime, la main de quand on dort avec quelqu'un de suffisamment possessif ou superbement gourmand pour nous satisfaire en tout cas. Ce poids que j'ai senti sur mes fesses, et un peu sur les reins, qui me disait "t'es pas toute seule, je suis bien là", sans oublier que ça reste une promesse de sexe du matin- et ça c'est pas rien, ça me plaît, c'était terriblement bon quand même. Petit poids prometteur qui me fait oublier les miens qui dégénèrent, les gros bras ou la grosse tête, doux et agréable comme tout. Je l'ai senti à peine j'ai ouvert les paupières, j'ai vu l'heure démoniaque, treize heures, mais je me suis calmée parce que j'ai senti que j'étais accompagnée. Cependant j'étais seule dans mon grand lit ce matin. Quand j'ai touché la main idéale j'ai compris que c'était Ty, ma peluche mouton, que j'avais plus ou moins inconsciemment placé là dans mon sommeil (le pauvre). C'est tristement comme ça qu'un matin, une main au cul et un mouton m'ont fait voir l'immensité de ma solitude. Mon petit Robert m'avait éclairée pourtant, je ne vois pas pourquoi je me fais encore des illusions; c'est un peu toute mon histoire, mon qui suis-je, mon parcours existentiel à moi...

POIDS, entre POGROM et POIGNANT, ANTE.


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