samedi 17 décembre 2011

*2012*

Le problème avec la voyance, c'est que tant qu'on y entend ce qu'on veut bien entendre, on y croit volontiers. Or, dès que ça dépasse nos petits plans prévus de 2012 à 2014, ça y est, on flippe.


Alors voilà : une voyante plutôt bankable, du genre qui a une villa au States, bosse de loin sur Skype et coûte 150 euros de l'heure, est passée à la rédaction comme cadeau de Noël express et surprise de la part de ma boss.Étrange étrenne : on nous offre une séance de voyance comme un jour, peut-être, on finira par nous offrir une séance chez le psy, histoire de nous calmer cinq minutes et donner un sens à notre vie. Bref, j'ai envie de dire que le monde va mal, que les Hommes sont en quête de spiritualité et qu'il faudra qu'on arrête trois secondes de mater des lol cats à longueur de journée si on veut que cela s'améliore. Mais bon.

Comme j'ai de la chance depuis que je suis née (j'ai les yeux bleus), c’est moi qui passe la preum's avant les collègues, histoire de déblayer le terrain de la Destinée. Notre madame Irma avait fait à l'avance notre thème astral, avec ma date de naissance et l'heure, ce qui fait de moi une Scorpion Ascendant Sagittaire. Créative, très intelligente, impétueuse, blabla, avec quelques problèmes niveau financier, surtout. Pas faux. Elle me conseille alors d'aller voir une coach pour apprendre à parler d'argent. J'y penserai.

Enfin, on parle carrière, amour, enfant. 2012 année de la lose, pour les Scorpions c’est certain : il ne se passera rien de bien pour cette année-là. Par contre, un jour, je travaillerai dans le cinéma, j'adapterai en scénario le livre que j'aurais écrit en 2014, et qui sera publié instantanément. Ok, jusqu'ici je n'avais rien demandé, mais c'est plutôt cool. En même temps, avouons que dire à une journaliste qu'elle écrira, ça casse pas trois pattes à un canard.

Mais mettons, écrivain, je vais pas cracher dans la soupe de mon rêve. Enfin, j’aurais du fric vers 36 ans, encore dix bonnes années de galère, je vais kiffer ma vie de mère avec une petite fille dans pas très longtemps et surtout, surtout, je vais voyager, habiter quatre pays différents, vadrouiller avec l'enfant et... rencontré l'âme sœur en 2013. J'avoue que j'ai pas bien saisi quand venait le môme, mais passons. Quand elle a dit "âme sœur", elle avait pas l'air de rigoler et elle a ajouté que c'était un baroudeur de folie, que j'en serais "baba", qu'il sera ultra cultivé et intelligent, et qu'ensemble, on allait créer. Ambiance écriture à quatre mains et amour total avec un Corto Maltese, franchement ça donne un peu envie sur le coup.

Mais y'a comme un gros hic, et je lui ai dit après son monologue de l'amour de 2013 : "C'est bizarre cette rencontre, parce que là, je suis avec quelqu'un, et c'est sérieux." (Merde.) (Elle avait pas vu dans ses cartes de tarot ni dans son thème astral que j'étais maquée.)

Elle s'est pas démontée, a posé encore quelques atouts, a invoqué mes doutes possibles, l'ambiance Jules et Jim qui allait se créer et toutes les possibilités qui allaient s'offrir à moi. Une vie trépidante, et à défaut du choix des armes, le choix des hommes.

Si l'on fait le bilan de cette étrange séance, avec trois nanas dégoutées sur six (les dégoutées, dont je fais donc partie, sont celles à qui la voyante a dit ce qu'elles ne voulaient PAS entendre) qui ont refusé catégoriquement ses visions, je ne peux pas nier que la voyance ait un effet insidieux très particulier. Au début, tu te dis "Bullshit", ton mec s'énerve et te dis qu'il t'aime, qu'il s'engagera, et que Jules et Jim vont aller brûler en enfer si ça continue. Tu te dis qu'une année de merde en perspective c'est inacceptable, que t'as pas que cela à faire de 2012, et que j'en ai rien à fiche du bouquin de 2014 et du love de 2013, je veux tout maintenant right now et que ça saute.

Puis un mois passe. C'est rien un mois, c'est tout petit, c'est Noël et la bonne année, et pourtant, c'est déjà un monde. Depuis, 2012 est arrivée, et un vent d'étrange liberté s'est emparée de moi : je dis étrange car je sens encore que je n'ai pas de pouvoir dessus, simplement j'en sens l'odeur qui excite les papilles de mon cerveau, j'en ressens les possibilités encore que je n'ose pas tenter. Et en ce mois, essayant de me délivrer des prophéties ennemies de mon présent, y'a comme des doutes qui reviennent.

Ah ouais ? Corto Maltese en 2013 ? Pas chère payée, une année pour l'âme sœur, quand j'y repense.

Et celui qui est là, Jules ou Jim allez savoir, alors quoi, le sort se joue de lui, et moi avec ?

"Ne vous inquiétez pas pour lui, il vous laissera partir, ne voudra pas s'engager, et trouvera vite quelqu'un d'autre." C'est qu'elle a pensé à tout la sale pute, à me déculpabiliser pour l'avenir, me laissant sans scrupule déboussolée au présent.

Insidieux procédé et vicieuse prophétie : certains ont tendance à se réfugier dans le passé, moi désormais j'inaugure la fuite vers mon futur.

A chacun ses résolutions... Moi, 2012, c'est l'année où il va falloir que je trouve quelque chose de bien à faire de mon présent.

Bordel de bordel de 2012.

jeudi 14 juillet 2011

Rien de nouveau sous la névrose

Quand j'étais petite, je me rappelle que je saoulais ma mère avec cette question des névroses. C'est quoi des névroses ? Je me demandais. Et je lui disais : "Plus tard, je veux pas finir comme ces névrosées de 30 ans qui vont chez le psy, et font l'amour tristes."



J'étais obsédée à l'idée de finir comme une adulte névrosée. Ça me déprimait, ces adultes névrotiques de partout, comme des jeunes à problèmes sauf que ce sont des vieux casse-couilles. Puis, pendant longtemps j'essayais de savoir si j'en avais, ou pas, des névroses. Et, franchement, même si ça va en faire rire certains, j'étais persuadée de ne pas vraiment en avoir. Pas du tout même. Je me trouvais cool : du genre à prendre du thé ou café le matin, selon. Une douche matin ou soir. Pas d'oreiller préféré. Pas de préférences. Libre. Libre de névroses.




Là, dernièrement, j'ai enfin compris ce que c'est la névrose. C'est salaud, hein, mais c'est mon mec qui me l'a dit, que j'étais névrosée. Déjà, c'est la première fois qu'on me le dit tout de go, et franchement je me demandais bien pourquoi, sur le coup. En plus, ça lui paraissant évident, "Je suis pas un mec pleins de névroses, comme toi", alors que je voyais pas du tout de quoi il voulait parler. Sauf que, quand on y pense, tenir ce genre de discours sur les névroses à sa mère quand on a 10 ans à peine, c'est déjà être pas mal névrosée. Dans le fond.

Faut le dire, j'ai toujours été précoce ; même dans la névrose, apparemment.

Et parallèlement à cela, parce que je ne suis jamais à un paradoxe près, comme disait mon amie Pauline quand j'étais en pension, "C'est si simple d'être compliquée, et si compliqué d'être simple", niveau névroses, j'ai toujours pensé et admis que j'étais névrosée sur le couple. Sans faire le lien, je savais profondément que l'engagement, ça me faisait flipper depuis toujours. A force, les échecs sentimentaux et autres méandres, on commence non seulement à tenir des comptes, oui m'sieurs-dames, mais aussi à faire des conclusions... Voilà, i know, j'ai l'angoisse du couple.




Avec le temps, la rationalité, les amis, la vie, on se convainc qu'on tripe un peu, qu'en fait non, on n'en a pas si peur que cela, la preuve on est souvent maquée, et puis on kiffe bruncher à deux le dimanche et on admet que faire l'amour aussi souvent, c'est hyper cool. Aucun problème avec le couple, je gèèèère.

Sauf que quand je me dis cela, je me leurre. Ou plutôt, j'essaie de leurrer ma névrose.

Parce que la névrose, c'est comme Sega : plus fort que toi. Il suffit que tu penses l'avoir semée pour qu'elle revienne sous sa plus belle forme : physique.



Tiens, dis "nous deux", que ça me pince dans le ventre pour voir.

C'est cela qui m'arrive à chaque fois que je l'oublie, ma névrose du couple : perfide, rien qu'un mot d'amour de trop, à peine, ou un regard trop tendre, ou un baiser trop langoureux alors qu'on n'est pas tout nus, et ça me coupe le souffle. Ça coince directement dans l'estomac. J'ai peur. Je flippe. Physique, vous dis-je.




Respire.

Je vois mille échecs, mille concepts, des pavillons en banlieue et des mecs qui se tirent quand t'en es à huit mois pour des ovaires plus frais, le tout sur une bande-son de miaulement de chat hystérique et affamé à qui on n'a pas changé la litière depuis 3 semaines. Définitivement comme une bamba triste. Bref, dans ces visions d'horreur qui rentrent mon ventre vers l'intérieur jusqu'à ce qu'il ressorte par mon dos, l'idéal serait de briser la névrose, de faire quelque chose, de garder espoir. Bordel.

Respire.

Alors quoi faire ? En parler ? Le dire ?

Chéri, là, j'arrive plus à respirer. Oui oui, c'est depuis que tu m'as dit "je t'aime".




N'allez pas croire non plus que je l'ai jamais dit, tout ça, les "je t'aime" et les toujours et les mamours, ça va hein, on a tous un surnom planqué sous le lit qui frise le ridicule. Nous aussi on a été amoureux, heureux. N'empêche : c'est ne pas compter sur le facteur surprise. Aussi perfide que la névrose celui-là, tiens, on dirait qu'ils vont de paire.



Respire.

Et quand on est surprise, par soi, par l'autre, par des sentiments, des situations, tout et n'importe quoi, juste quand 30 secondes notre cerveau vit un truc qu'il ne s'imaginait pas, ou plus, y'a tout qui se réveille à l'intérieur. Ça vrombit. Cataclysmes. Tempête. T'empêche. Et paf ! ça réveille d'abord les névroses. Subrepticement.

Respire.



Tout le monde est en place? Ok ? Névroses à l'appel ?

Respire.

J'attends la suite.




lundi 18 avril 2011

Le Non du divorce

On sait trop peu de choses sur le divorce ; on passe souvent le plus clair de sa vie à penser plutôt au moment du grand "oui", endimanchée comme jamais.


Quand je me suis mariée à la va-vite à vingt ans, disant "oui" comme si je m'enfilais un shot de vodka, j'avais pas réalisé qu'un jour j'allais devoir faire face à mes actions : divorcer.
Divorcer, ça consiste en pleins de choses : d'abord, se haïr, pour être bien sûrs de vouloir se séparer ; puis se lasser des aléas sentimentaux de l'autre, oublier chacun nos promesses et enfin se pardonner ses erreurs. Une fois qu'on a bien transpiré du cœur, qu'on pense que plus rien de très grave peut nous arriver, c'est là que commence le divorce.


Il y en a des plus ou moins hardcore : pour certains, c'est diviser une vie à deux en deux; pour moi, la grande épreuve était d'amasser suffisamment de cash et de courage pour traverser les grandes eaux, comme dit le Yi-King, et rencontrer mon mari devant le juge pour l'audience préliminaire qui nécessitait absolument ma présence.
Ça m'a pris deux ans. Happée par d'autres histoires, j'avais même fini par croire que c'était pas trop urgent, divorcer. La blague.

Face à mes échecs amoureux répétés, un seul constat : régler le passé. Boucler la boucle.
Je devais retourner à l'autre bout du monde voir mon mari devant un juge, et lui dire ce qui allait de soi, finalement, puisqu'on est séparé depuis 4 ans : "Oui monsieur le juge, on veut divorcer." Et face à son insistance, je devais fermement ajouter :"Non, on ne veut plus jamais être ensemble. Jamais. On veut divorcer."



Après le oui du toujours, le non du jamais. Devant un représentant de l'état, encore et toujours.

Cette dichotomie d'extrêmes, ultra symbolique, flippante tant elle est évidente, je ne m'en suis rendue compte qu'une fois sur place, 5 minutes avant d'entrer en audience.

Mon futur-ex-mari était venu me chercher.

Il est venu me chercher dans la même pièce où l'on s'est rencontré il y a sept ans. A l'époque, il passait me prendre pour m'emmener à une fête; là, il passait pour m'emmener me faire ma fête, et la sienne aussi. La nôtre. La fête, un mercredi matin à 10h.




Arrivés au tribunal des familles -nous on était contents de se voir, on flirtait comme des mômes de 14 ans qui sont pas là pour divorcer, mais alors pas du tout-, nos avocats ont insisté à plusieurs reprises : "Soyez bien clairs, dites clairement que vous ne voulez plus, dites lui "non", "non", non." Le texte était limpide : on devait dire NON. Mais nous deux, on n'a pas pu s'empêcher de s'envoyer des vannes, pour décompresser, et pour se draguer encore un peu : "Fais attention à toi nena, nous fais pas le coup de la fille qui hésite", "Ça, c'est plutôt ton genre à toi, gordo, sois bien sûr de toi cette fois, déconne pas."


Les avocats hallucinaient, nous on rigolait nerveusement, assis sur un banc, attendant notre tour, en se filant des coups de coudes. En fait, on évitait de se sauter dessus et de régler rapidement cette histoire dans les chiottes. On se retenait. Vraiment. Beaucoup.


C'est qu'on n'en pouvait plus. Sept ans. On n'avait plus rien à voir, lui c'était un homme maintenant, et moi plus question de me peindre un avenir doré devant mes yeux attendris et larmoyants, j'avais grandi, on n'était plus les mêmes et pourtant nos corps se reconnaissaient. C'est comme s'ils savaient mieux que nous comme ils sont faits l'un pour l'autre. C'est comme si on avait envie de foutre tout le reste à la poubelle pour ne garder que ça, son corps, le mien, nos regards, et cette évidence-là.



J'ai plaisanté alors : "On aurait pu être de bons cousins, bordel", et il a acquiescé. Si nos corps ne s'étaient pas adorés, j'aurais continué longtemps à être une petite chose à protéger pour lui, une petite sœur pleine de bon sens qu'on emmène boire des bières et manger des empanadas en terrasse.

Il a fallu qu'on baise, et qu'on gâche tout. Qu'on goûte à tout, et qu'on se recrache.


Idéalement, on pourrait s'aimer et se supporter dans un pays imaginaire, nus en peaux de bêtes, à vivre d'amour et de vache crue ; mais Cordoba n'a rien de l'Eden, et Paris non plus. On a bien fini par comprendre que ça ne marcherait plus. La machine à rêves s'est pétée : il est a bout du monde, dans une ville où je n'habiterai plus jamais, et puis il a une petite amie.

Alors c'est là que l'angoisse est montée, et que j'ai totalement compris, faute de modèles : divorcer, c'est dire un "non" aussi fort que le "oui" qu'on s'était promis.
Ça m'a fait mal rien que d'y penser, avant d'aller en audience, une fois toutes nos blagues graveleuses épuisées : vraiment, plus jamais jamais de chez jamais ? Même pas dans nos rêves les plus fous ? Bon.
D'accord.
Après tout, c'est bien pour cela que je suis venue.


Alors on est entré dans la salle la trouille au ventre, faut qu'on dise non, faut qu'on dise non, et le juge a vérifié nos noms. La date de notre mariage. Depuis quand j'étais partie. Où j'habitais désormais. Plus il a sobrement conclu :

"Vue la situation, je ne vais pas vous faire le protocole habituel. Je n'ai pas d'autres questions... C'est bon, le divorce est lancé."

C'est tout ? "Oui."

On était abasourdis. On s'était gonflé à bloc. Hé, juge, on doit dire non, non ? On a mille non si tu demandes, t'es plus cap ou quoi ? Je peux dire non, vas-y, demande !

Mais le juge a rien demandé de plus.

On n'a pas eu à dire non.
Pas clairement, comme les avocats nous incitaient.

Et c'est là aussi que j'ai capté un autre truc sur mon mariage, et mon divorce, puisque l'un ne va plus sans l'autre : en vrai, on n'a pas de raisons de se dire non.


D'ailleurs, c'est la dernière chose qu'on s'est dit, se quittant sur le quai tendrement affolés d'un au revoir à jamais ou à quand, tandis que je lui souhaitais sincèrement toutes les douceurs du monde et qu'il m'en désirait autant : on n'a jamais dit qu'on s'aimait plus, hein.

Et c'est peut-être ça la particularité d'un vrai mariage : on a vraiment dit oui. Pour la vie.


Sauf qu'on n'a pas bien précisé comment on comptait la vivre, cette vie, à la longue.

Apparemment, séparément.

dimanche 17 avril 2011

La maudite éducation




Règle n° 1 : mettre sa main devant sa bouche quand on bâille.
Ça semble élémentaire, et pourtant, je crois que je ne connais pas un seul type qui le fasse. C’est l’une des choses qui me rebute le plus, surtout si je commence à peine à connaitre la personne, et que je ne l’aime pas encore : le voir entrouvrir de fatigue grand sa bouche ; j’ai l’impression de voir un cheval, et ça me dégoûte.



Mon éducation à moi n’est pas irréprochable pour autant. J’ai été élevée sur certains points à la sauvage, et pourtant les mêmes phrases ont inlassablement et impitoyablement bercées mon enfance : mets ta bouche à ta cuillère et pas ta cuillère à ta bouche, mets ta main devant ta bouche quand tu bâilles, enlève tes coudes de la table, tiens-toi droite, on ne chante pas quand on mange, ne traîne pas des pieds. Mon père a même tenté, en vain, de nous convaincre que « les enfants ne parlent pas à table. » Sans succès aucun.


A l’éducation qui se voulait bourgeoise de ma mère, s’ajoute un machisme bien argentin du côté des mâles de ma famille : de père en fils, ils marchent toujours trois mètres devant et c’est eux qui paient les coups. Générosité innée pour la nouvelle génération, du côté de mon père c’était minutieusement calculé : je l’ai vu inviter mes petits amis, payant leur coca d’un air méprisant, montrant par là qui était encore et toujours l’alpha, le seul à capter vraiment la précieuse valeur de sa chère fille et à payer son café. Il se ruait littéralement sur l'addition, me montrant en un mouvement de cils comme mon chéri était un empoté, loin d'être prêt face aux coups bas du père.


Adolescente, il ne laissait pas que je me servisse moi-même l’eau à table : une fois, il m’a pris la bouteille d'eau des mains, fermement, ajoutant : « Comme ça, tu t'habitues à être traitée convenablement, et tu supporteras pas un type qui te traite moins bien que ton père. »



Pauvre de moi.


La plupart de mes amours se sont terminées avec le reproche de « princesse » toujours prête à la déception et au caprice ; c’est que j’y peux rien, je ressens instantanément du mépris chez l’homme qui ne me sert pas l’eau à table, qui bâille béant, passe devant et ne tient pas la porte. Le pire, c’est qu’étant une simple question d’éducation, de forme, les plus galants ne sont pas forcément les meilleurs ; mais ça, j’ai toujours autant de mal à le croire sincèrement.


Une fois, j’ai cessé de voir un garçon beau, tendre et intelligent, parce qu’il ne m’avait pas servi le vin à table. C’est terrible, je sais, mais plus fort que moi. Certains se livrent à une bataille intérieure entre la maman et la putain, moi c’est entre le manant et le maintien. J’ai la superstition qu’il ne peut arriver rien de bon pour la suite, si ça commence comme ça : médiocrement. Ce qui explique aussi que je m’éclate aux côtés des hommes d’un autre âge : ils ont la filouterie de ne jamais laisser les verres des femmes se vider à table, par exemple. J’y vois une hypocrite galanterie, d’un autre siècle, à faire en sorte que la belle alcoolique à sa droite ne puisse plus compter ses verres, puisque jamais elle ne les a vidé, et que toujours ils se montrent sous leur meilleur jour : pleins.


Enfin, je trouve ça franchement plus joyeux : il y a quelque chose de lugubre, loin de l’idée même de l’ivresse et du vin, à devoir finir son verre pour le voir se faire remplir. Mélanger le boire et le mérite, non merci.




Le pire, c’est qu’à ces strictes règles qui ne s’illustrent désormais que chez l‘homme de plus de 40 ans, mes parents ont pris soin d’ajouter implicitement, toujours sur le ton de la blague, mais suffisamment récurent pour que ça s’imprègne, une étrange grille des qualités qu’un homme doit avoir pour entrer dans le famille (machisme oblige, les femmes peuvent se contenter d’être douces, débrouillardes et très jolies ; c'est pour les hommes que c'est vraiment la galère...) :

-avoir une véritable ambition personnelle, aimer et connaître le jazz, être un habile joueur d’échec, aimer la bonne bouffe et savoir cuisiner, être à la fois bricoleur et philosophe, de préférence les yeux bleus (j’appartiens à l’unique famille de juifs aryens arborant fièrement des yeux bleus depuis le Vème siècle avant J-C), parler convenablement au moins une autre langue, jouer parfaitement le tarot (au moins finir par sincèrement s’y intéresser) et enfin, vénérer les Beatles.


Gamine, j’avais deux petits amis, et je désespérais, ne sachant lequel « définitivement » choisir. Mes parents, avec des amis, en avaient fait le grand débat du dîner, et avaient solennellement proféré : « demande leur quel album des Beatles ils préfèrent, et choisis en conséquence. » Mention Spéciale pour celui qui choisissait le White album, ou encore Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ; pour tout autre album, une savante justification était demandée.



Les malheureux Beatles, s’ils savaient qu’ils étaient devenus l’instrument d’une pure et simple discrimination… Quoiqu’il en soit, comme mes deux amoureux finirent par m’avouer ne pas trop connaitre les Beatles, et en tout cas d’être incapables l’un et l’autre de choisir un album précis, pensant être pétrie de bon sens, je finis par les quitter tout deux. Comprenez-moi : ce n’est pas que la perte était grande (à vrai dire, cet absurde test m’a évité une histoire d’amour avec deux idiots) mais enfin, cette histoire de valeur à outrance, ça frise l’intolérance. On dirait du communisme : c’est pleins de bonnes intentions et les idées ne sont pas trop mauvaises, mais ça finit par accuser la moitié de la planète.


Ainsi, je finis par frémir si par malheur j’aime un bel ignare aux yeux marrons...




C’est carrément à cause de ces nombreux petits détails intransigeant et exigeants que d’adorables prétendants ont terminé leur quête dans l’espace glacé du goulag sentimental. Out of Siberia.

Ceci dit, toute cette belle éducation pseudo érudite et bobo avant l’heure ne m’a pourtant pas empêché d’épouser un inculte en matière de jazz, insensible aux échecs, qui me faisait fondre avec des yeux de chinois couleur noisette.

Je pourrais dire que vu l’échec de cette relation, j’aurais peut-être mieux fait d’écouter le paternel ; pourtant, du plus loin qu’il m’en souvienne, je crois bien que le jour où je suis partie, il m’a bien tenu la porte.

Cordialement.


Comme quoi, la galanterie, à la fin, c'est tout ce qu'il reste.

dimanche 27 mars 2011

Le mâle moderne

Depuis le temps, ça va pas nous faire de mal de revenir avec des idées bien tristes et saugrenues. Où sont les femmes disaient-ils, où sont les hommes, les vrais, moi je vous demande. Autour de moi, toujours le même constat : l'homme 2011 a les couilles qui se rétractent, baisse de taux de sperme oblige, bref il a peur de tout et surtout de lui-même, et à cela peu de remèdes. Se tourner vers Dieu ? Et encore.


Ça fait plus de 6 mois que ma vie ressemble à la valse des retours, viens par là que je t'aime, et dès que je me pointe faut croire que c'est trop tard, y'a plus personne. Pire qu'à la mairie niveau timing, peut mieux faire.
Je vous parle du fond de mon lit avec un regain de fièvre, quoique c'est pas la première fois qu'on m'abandonne en pleine montée et sueurs, mais faut le faire quand même : le problème, c'est pas le mec qui se barre, c'est le CV sentimental qui commence à peser lourd :
-30 ruptures
-5 fois abandonnée malade
-10 types qui ne savaient pas ce qu'ils voulaient
-5 cœurs brisés
-675 orgasmes ratés
les réussis on ne les compte pas, ils se perdent dans l'éternité. Bref, j'ai mon bon quart de siècle et mon bilan lourd. J'allais oublier l'essentiel :
-1 mariage, et bientôt, inch'Allah
-1 putain de bon divorce.

Je vous cache pas que je vais bien kiffer quand on m'appellera enfin mademoiselle, c'est fini les "madame", et c'est fini les perspectives d'avenir bâclées parce que sur mon passeport il y a un nom chelou qui entrave mon nom de jeune fille.
On verra donc dans 15 jours. Pourquoi ? Parce que je pars régler mon mariage le 1er avril. Et c''est pas une blague, bien au contraire, c'est très sérieux tout ça. Je m'en vais divorcer comme on s'en va-t-en guerre. Préparée ? Un peu mon neveu, je me suis achetée des nouvelles robes, Buenos Aires prépare-toi, je vais te mettre le paquet.

Reste à savoir si j'aurais de l'amour français dans mes bagages. On ne sait jamais. Quoique, il fallait y penser avant aussi : avant de me planter, enfiévrée, au beau milieu d'une journée.

Les dés sont jetés, et les bons sentiments avec.



Ps. Je remarque que je n'ai pas trop approfondie mon idée de départ. Dernièrement, je me suis matée les contes moraux de Rohmer : c'est drôle comme à cette époque, la morale avait un vrai sens unilatéral : baiser avec une autre femme que la tienne, ou pas. Aujourd'hui, dès qu'on agite la morale, on ressort l'éthique, ainsi on a toujours mille outils pour contourner le problème. Pas avec Rohmer. Dans ses contes moraux, la chute est toujours la même : l'homme badine légèrement et tranquillement, ça lui bouffe la tête le temps du film, mais au final il sait de quel bois réellement il se chauffe : celui de son amour, certes pas si cinématographique que cela, puisqu'on ne nous le montre qu'à peine, parfois juste une photo. Des plans infinis pour montrer le genou de claire, ou la boulangère, tandis que l'amour le vrai attend patiemment dans une autre ville, ou chez soi. Bref, il convient de savoir quelle héroïne on veut être.

Pour ma part, mes genoux sont cagneux. Et je suis lasse d'attendre.


mardi 11 janvier 2011

Comment je ne suis pas le grand rabbin

Petit post du soir, bonsoir.

Rapidement, soulevons un sujet moral et éthique (ce qui ne va pas toujours de soi, rappelons-le), qui turlupine bien des gonzesses qui ont justement le sens de la morale et de l'éthique aussi léger que leurs blanches cuisses : l'espionnage technologique de nos amants. Je veux dire poussé, pensez pas que je parle d'une obsession pour son profil Facebook. Mater 50 fois par jour le profil facebook de quelqu'un, tout comme traquer les commentaires et allers et venues des amis plus ou moins proches, c'est franchement un truc de l'année dernière. Et encore. Non, quand je dis "espionnage technologique", je parle de mater les mails, tout simplement.

Que ça se sache : c'est mal. C'est une violation de l'intimité de quelqu'un, de sa confiance, en plus on risque de tomber sur des fautes d'orthographes insoupçonnées, ou encore la présence d'une autre fille dans le paysage virtuel qui paraissait pourtant, à première vue - superficielle, hors inbox - désert.

Moi, par exemple, je ne supporterai pas qu'on me le fasse. Pourtant, je n'ai rien à cacher. Je jure. Ou sinon, j'efface. Il est absolument hors de question de répéter des mauvais habitudes culturelles de catho et de s'auto-flageller avec des mails compromettant dans sa propre boîte. Faut être un peu con.

Bon, alors voilà, hier j'ai maté dans la boîte Facebook de mon mec, mais franchement sans faire la fouine, franchement hyper vite-fait, juste comme ça, pour voir, comme un check santé "c'est bon, y'a que des messages de moi, des spams, ou des mecs", et là BIM, je suis tombée sur un cancer. Si on continue la métaphore. Moins poétiquement, et pourtant le message était bien plus poétique que mon acte d'espionnage-viol, je suis tombée sur une meuf précise qui n'a pas grand place dans mon cœur, puisque c'est une fille auparavant charnellement pénétrée par chéri qui envoie un message nostalgique du genre "Te souviens-tu du temps où tu me pénétrais ? Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, et viens on se capte cet été, ça pourrait le faire, encore. xoxo, love."




Ni une ni deux, j'ai direct fait la gueule. Chaud. Comment m'expliquer ? Impossible. J'avais commis l'interdit pire que la sodomie, devenue monnaie courante. Je devais fermer ma gueule. Et pourtant, c'est parfaitement hypocrite, et je vais vous dire pourquoi après l'histoire du Grand Rabbin raconté par M. qui n'a pas démêlé mon affaire, certes, mais d'un coup je me suis sentie... Divine :

Un grand rabbin décide de se faire une partie de golf le saint jour du shabbat, un samedi. Tranquille, il fait beau, il joue au golf, et voici que D.ieu, qui voit tout, hallucine et fait "hin hin mon vieux, tu fais pas sabbat ? Eh bien voilà pour ta gueule." Et D.ieu fait un miracle : il fait rentrer en un coup un seul la balle de golf du rabbin dans les 18 trous du terrain. Le rabbin hallucine à son tour : c'est un miracle ! "Ouais, lui fait D.Ieu, mais tu pourras le raconter à personne."

Je me sentais en bref pareil, en un peu plus misérable, ou moins, ça dépend du possible repentir du rabbin, bref, je bouffais ma langue car je savais que je n'avais rien à dire. Ce mail ne me regardait pas. Et pourtant... Parlons de l'hypocrisie de la chose.

Lors d'une autre conversation, d'une commune voix, des amis m'ont confirmé qu'il était impossible de ne pas divulguer son code d'Iphone à sa moitié : celle-ci douterait immédiatement des intentions de son âme sœur, et n'aurais pas confiance. Seule solution : donner le code. Mais pourquoi diable existe-t-il ? Simplement pour les voleurs ? Je dis c'est triste.

Autrement, me faites pas croire que mater un mail, sur le Mac de la maison qu'on partage en commun, c'est aussi vicelard que de faire les poches ou que de checker les comptes en banques. Faux. Mater les mails, ou les sms d'Iphone, n'a rien à voir avec les actes de fouines qui fouillent, parce que justement, ce sont des actes : il faut fouiller, se lever, chercher, penser... Bref. Du gros vice dans l'éthique. Tandis que tout ce qui est en rapport avec Apple, ce n'est pas aussi moche. Oh que non : l'ordinateur est notre ami. Nous y passons le plus clair de notre temps, c'est comme une greffe développée de nous-même : on se sent moins ménagère immonde qui fait les poches.

Même quand on navigue sur l'historique. Oui madame. (Or, nous savons tous que naviguer sur l'historique est mille fois plus dangereux que tout : pourquoi découvrir que son homme a une passion pour les pornos animaliers ? L'historique, c'est JAMAIS.) Enfin, nous sommes simplement des victimes technologiques : c'est tellement fait pour nous faciliter l'accès à des informations qu'on finit par accéder à tous genres d'infos simplement par un clic, ou avec l'Iphone, par une mini pression de doigt.

Hyper dangereux.

C'est donc la faute à Apple : la preuve, c'est que mon mec a un Blackberry, et que je mate jamais ses sms : je galère trop, je comprend pas. Impossible à checker quand il est sous la douche, il me faudrait pour cela au moins un bon bain, or je manque cruellement et de pratique, et de baignoire.

Mon acte de surfing dans une boite mail étrangère est donc moralement blâmable, certes, mais éthiquement dans son temps : j'ai donc été une jeune fille moderne.

NB. En ce qui concerne les mégères qui font les poches, M. ajoute à ce propos : "Mais lorsque l'on fait une machine, il faut bien vider les poches afin de s'assurer avec certitude qu'elles ne contiennent rien qui puisse endommager le linge !" C'est sûr. C'est moins mesquin, d'un coup.

PS. Si le titre du post est "Comment je ne suis pas le grand rabbin", c'est donc qu'ignorant les règles su shabbat tout comme celle d'une vie commune harmonieuse, j'ai fini par cracher le morceau. Ce qui n'a servi à rien, rien fait avancé, rien soulagé. Bref.

Je sais plus s'il faut que je change de mec, ou de mauvaise habitude. D.ieu, fais-nous encore quelques miracles, je jure de les dire à personne.

PS2. En exclusivité : ce post datant de lundi soir, j'ai l'honneur de croire que D.ieu m'entend direct : mon mec m'a quitté hier. Bingo ? Pas vraiment. Mais en tous cas, faut relire en mettant "ex" à la place de "mec". Tristesse.