dimanche 22 mars 2009

INES

En Argentine, ils font des veillées funèbres au décès de quelqu'un.

Je n'y étais jamais allée auparavant, et je n'avais vu qu'un seul cadavre dans ma vie, jusqu'à présent: celui de ma mère. A l'époque, ma grande soeur m'avait conseillé de toucher son corps, pour bien saisir dans ma tête qu'elle était morte, ma mère. Je l'ai fait. J'ai touché. C'était froid, bien sûr.

Les ambiances des veillées funèbres c'est vraiment étrange, tout-à-fait particulier: les amis viennent, les voisins viennent, les collègues viennent, partager l'intimité d'un chagrin, l'intimité d'un corps. On parle tout bas dans une pièce faite pour ça, dans une sorte de salle de spectacle morbide -c'est le cas de le dire- avec de la moquette bordeaux au sol, les murs saumon-clair et une odeur affreuse.
Je suis allée voir Inès, la mère de la compagne de mon oncle. Je l'avais vu un peu avant, elle était très gentille. Je n'ai jamais compris de quoi elle était morte; mais elle avait bien vécu, du moins elle était vieille, un peu. En général, quand on ne connaît pas on ne s'approche pas trop du corps, on entrevoit simplement derrière le paravent les pieds qui dépassent. C'est drôle, un mort avec des chaussures. Moi je suis quand même allée la voir, pour voir: ça ne fait que deux cadavres seulement, à mon passif.

J'ai connu une autre Inès, beaucoup plus jeune, et plus jolie. Une Française, cette fois. C'était juste l'amie d'une amie. On s'est vu deux fois à peine, je crois. Mais on a beaucoup parlé. On s'est bien entendu. Je me souviens en détail de la racine de ses cheveux, qui s'élançait vers l'arrière, en soleil: une crinière raide de lionne, épaisse et châtain. Je sais pas exactement ce qu'elle faisait, je sais qu'elle était brillante.

C'est un peu glauque de parler au passé. C'est qu'elle est morte vendredi je crois, brûlée dans les escaliers d'un immeuble. Quelques étages en-dessous de la chambre de son mec, il y a quelques jours, donc.

J'ai appris la nouvelle au téléphone, entre trois sanglots pas très compréhensibles: il fallait agir sur le terrain. Je suis alors allée tenir un peu de compagnie à mon amie qui était son amie. On a fait une veillée maison, avec des copains, et des nachos maison aussi.
C'est vraiment pas évident de raisonner des morts comme ça, à vingt et un ans. Ou à vingt ans et quelques mois. Enfin, à la vingtaine. Personnellement, je suis restée bloquée sur le simple fait qu'on meurt encore d'un incendie en plein centre de Paris, de nos jours. Il y en a qui répondent bien vite que évidemment, et que pour toujours ça continuera de nous tuer, les incendies. N'empêche, ça m'interloque. Ça me choque. C'est comme la grippe: absurde, un peu. Ça arrive encore. Encore.

On buvait de la vodka avec Olia, bien contentes d'être en vie, et inquiètes quant à la vie du mec d'Inès, qui est resté vivant, lui, enfermé dans la salle de bain, quelques étages au-dessus. On a mis du lait et du Bayley's dans notre vodka, c'était comme le goûter des dépravées, le petit lait des tristes. Olia elle y mêlait ses larmes, tandis que je buvais comme il se doit. Partenaire.

J'ai fait des blagues. J'aime bien faire rire dans les pires moments.

Puis je suis vite partie, laissant Olia aller vers des copains à elle qui connaissaient Inès bien mieux que moi. Ce n'était pas difficile après tout. Même si on s'était dit des choses intimes. Même si je savais de la mère de son mec et de son mec depuis trois ans et de son père et de ses envies et de sa lassitude et de son quotidien plein de remue-ménage et de galères à se tirer ses beaux cheveux, à faire couler son eye-liner dans un vieux rade du Vè.

C'était l'heure entre chien et loup où la lumière coupe le souffle. Le vent aussi. J'hallucinais du nombre de gens qu'il y a à Saint-Michel le samedi soir. C'est nul les gens là-bas. On n'y comprend rien. On est bousculé comme à Châtelet: les gens me bousculent-ils bruyamment juste pour aller manger des falafels?
J'ai serré ma veste autour de ma gorge toute la soirée; ce soir-là. J'ai protégé mon cou. Comme une folle-dingue. Je cachais mon menton dans mon col. Un demi-visage. Ma main était crispée, il n'y avait rien à faire, elle ne démordait pas. Elle protégeait je-ne-sais-quoi.


J'ai tourné rue Saint-Jacques et les pensées sont venues comme des guerrières, des virus pire que le cancer, encore plus rapides et généralisées.

Les pensées cachées de ma maman. A l'ancienne.
Trop intensément peut-être cette fois.
Ça faisait longtemps.

Enfin, non, j'y pense un peu tous les jours. Curieusement, j'ai pensé à elle très fort, j'ai pensé à elle comme une véritable interdiction, j'ai enfreint ma propre règle: il y a des années que je ne m'accorde pas des émotions comme ça. Et c'est fou à quel point les choses rangées dans les tiroirs de la mémoire ne pourrissent pas. Rien à faire, c'est intact, ça a gardé le même goût, la même odeur, la même chaleur, le même froid. Comme elle me manquait et c'était terrible à la fois, car même si la mémoire ne vieillit pas, c'était encore et toujours fichu que jamais je l'ai appelé Isabelle et toujours Maman et que je ne l'ai pas vu femme et qu'elle non plus elle ne m'a pas vu femme, ou demi-portion de femme.
Comme elle me manquait, à Saint-Michel un putain de samedi soir.

Entourée de touristes, en plus.

Depuis, je me demande si cette sensation éprouvante et chaude et douce va revenir dès que quelqu'un meurt autour de moi. Ou quelqu'un comme Inès, trop jeune et trop belle. Et intelligente.



Je ne sais pas.



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dimanche 15 mars 2009

Simple Femelle (et merci M.)

-Vas-y c'est bon me parles pas je veux rien savoir mais putain mais je bad là, je bad trop, c'est horrible, vas-y je veux pas me regarder, attend je me tourne, vas-y mais chut me parles pas coupe j'te dis... Coupe! Vas-y mais chut mais attend je vais me chercher du vin dans la cuisine ça ira mieux... Mais putain mais je suis pas une putain de pouffe! J'ai l'air d'une foutue pucelle! Avec une coupe de pouffiasse qui nique pas! Fais moi un truc où je me reconnais bordel!

-Parles bien s'il-te-plaît Bethsabée. Je ne suis pas un petit garçon. Fais attention à ce que tu dis. Je suis un homme. T'as peut-être pas l'habitude, tu sais pas qui t'as en face, mais cause mieux.

- (Buvant) Bah ouais mais je m'en tape moi je veux ressembler à quelque chose de décent. Vas-y arrête de m'expliquer ce que tu me fais là. Fais.

-Mais c'est un métier. Je t'explique ce que je fais parce que...

-Je veux rien savoir. Ca peut pas être pire. Je sors pas. Je mets un voile si ça continu. Je suis même pas niquable. Fais-moi un truc où je peux me servir de ma chatte un peu bordel. Je baisse les yeux dans la rue, j'suis trop cheum, tu sais pas toi.

-Bethsabée parle pas trop, moi je suis un homme, je te nique. Tais-toi et laisse-moi bosser.

-Ne m'écoutes pas, surtout. Je sais, je sais. Pardon. Je me tais. Mais tu fais quoi là? Oh la la mais je bad tellement, tu me fais tellement bader, je peux pas mater ça.

-Bader ? C'est quoi ça.

-Bad. Verbe de Bad, mauvais. Mauvais en anglais.

-Sans déc.

-Voilà. Je bad. Grave.



Ami lecteur, (Faisons de la parité, tiens) Amie lectrice, ceci est toujours le même blog, non ce n'est pas quelqu'un d'autre qui écrit. C'est toujours moi, mais là c'est un aperçu de quand je parle en vrai. Je parle mal, très mal. Que des gros mots, de l'argot, des insultes.
Mais c'est que la situation était grave, désespérée, alarmante. Les derniers post montrent bien que le moral n'était pas au beau fixe. J'en cherchais la raison fondamentale, je faisais des comptes de ma vie, voir ce que ça donnait objectivement, et comment remédier à des situations qui me paraissaient si terribles. 
On oublie bien souvent que tout est relatif.
Je croyais avoir la tête claire, mais je peux vous dire aujourd'hui que Sophie Marceau, à l'époque de la boum, pensait mal. Très mal. Orientation mentale biaisée, c'est certain.

Cette magnifique conversation pleine de poésie était l'échange que j'avais avec Mathieu, mon coiffeur chéri, tandis qu'il me recoupait les cheveux. Car quatre jours après, j'en badais encore. Alors il est venu à ma rescousse, encore une fois, réparer ma coupe (qui était belle à la base, j'insiste, mais ce n'était pas MOI. Je ne me reconnaissais pas dans le miroir, allez savoir pourquoi.). C'est fou comme quelques centimètres, ça change une vie. Bon, on le savait déjà quant aux pénis, parfois c'est l'affaire de rien, quatre centimètres, et c'est comme Mars, ça repart, et ici aussi, quatre malheureux centimètres n'expliquent pas rationnellement pourquoi d'un coup j'ai une coupe plus difficile à assumer, certes, mais qui me fait sentir que je suis moi. Juste moi. Simplement. Figurez-vous que je m'aime bien, après avoir vécu ces jours-ci avec une autre.  Et je me trouve bonne, c'est ça le plus important, aussi. D'un coup de ciseau, j'ai re-visualiser l'éventualité d'une vie sexuelle. Nice.

*Je me sentais nulle et non désirable. J'ai coupé les cheveux: j'ai ressorti le minishort.

*Je me sentais très mauvaise maîtresse vis-à-vis du chat. J'ai coupé les cheveux: je suis une fille sympa qui lui a trouvé un bien meilleur foyer.

*Je voulais cesser toute aventure avec le fameux... J'ai coupé les cheveux: je trouve qu'on dort pas si mal que cela, chez lui.

En clair, j'ai déprimé comme une malade parce que j'aimais pas ma coupe de cheveux. J'ai tout remis en question parce que j'avais pas la frange en place. C'est quand même fou, je trouve. Évidemment, j'étais loin de soupçonner qu'une telle remise en question si profonde et si nombriliste pouvait trouver sa source dans les cellules mortes qui poussent sur ma tête.

-Tu fais quoi dans la vie?
-Je suis étudiante.
-En quoi?
-Lettres, Théâtre, Cinéma. Vive la culture quoi.
-T'es pas du genre superficielle, donc.
-Ah bah non. 

Enfin, je croyais. Je m'essaie chaque jour un peu plus à sortir de ma basse condition.



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mercredi 11 mars 2009

Les giboulées de mars

C'est qu'aujourd'hui est un jour si particulier qu'il se passe plus de choses en moins de 24h qu'il s'en est passé en trois jours.
C'est parce qu'on arrive à la deuxième quinzaine du mois de mars. Le mois de mars, c'est ma poisse absolue, depuis toujours: j'ai décrété cela exactement en 1999, le 27 mars 1999, jour de ma rupture d'avec mon premier amour, après deux ans d'amour fou. Sachant qu'il est né le 25 mars (des choses que l'on oublie pas), et que deux jours après son anniversaire, c'était la rupture, je l'ai très mal vécu ce mois de mars-là. Puis les autres se sont enchaînés. Celui de l'année suivante, c'était le mois de mars anniversaire, je l'ai pris ainsi. Puis le mauvais oeil s'est installé, la poisse du mois de mars, la shkoumoune absolue. En plus, par rapport à février, il faut dire qu'il s'étale interminablement, le salaud.

Alors voilà en cette longue journée de ce long mois de mars je peux d'ores et déjà procéder à un constat de la situation annoncée précédemment:

1) On ne m'a pas craché dessus avec mes nouveaux cheveux. N'empêche, j'assume pas encore, j'ai donc décidé de pas me les laver jusqu'à ce que ça devienne une matière informe éloignée de l'idée initiale.

2) Tito n'est pas à la campagne chez une vieille dame. Tito est à Vincennes chez une famille qui a un enfant de douze ans et un jardin. Tito est partie. Antoine, qui livrait Tito, l'a trouvé charmante. J'ai bien compris que tout le monde adore mon chat, sauf moi. Enfin, je veux dire, ma chatte. Je me résous donc définitivement à l'idée que je suis une mauvaise maîtresse incapable d'amour inconditionnel et en ce jour poisseux de mars, je conclus hâtivement que je serais donc une mauvaise mère. Rah. Je ne ferais pas d'enfants. Et si je les abandonnais, eux aussi, pour partir au Brésil? Avec le premier venu? Le pire, c'est que c'est bien mon genre, et que j'en suis capable. Décidons donc la tête froide de renier l'idée de maternité.

3) Suis-je vraiment obligée d'en parler longuement, du sujet croustillant? En cette belle journée ensoleillée, j'ai fait tant de choses qui auraient pu me faire oublier mon irrévocable décision qui me brise le coeur: j'ai manifesté (oui oui); j'ai donné ma chatte; j'ai lu; rangé mon appart; j'ai même eu la merveilleuse nouvelle que je suis en compèt' très serrée pour une rubrique dans un mag. Si c'est pas pour me remonter le moral, ça.

Mais bon, quand on a quelqu'un dans la peau, on l'a dans la peau. (C'est très fute-fute ce que je dis-là).

Ma dernière chance pour finir en toute légèreté cette journée pleine de rebondissements, et de réussir à tenir tous mes engagements sans trop de remords ou de culpabilité:
-les derniers épisodes de La Chambre des Dames. (super série française, tirée d'un roman, des années 80 qui se passe au Moyen-Âge. Tout ce que j'aime, il est question de la faiblesse de la chair, de mariages interdits entre cousins et de torrides passions réprouvées par l'Église.)
-le deuxième volet de Millénium.

Franchement, si avec ça je passe pas demain en grande pompe...


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Game Over

Aujourd'hui est un grand jour.
Trois grandes choses se concrétisent:

1) J'ai coupé mes cheveux: j'ai une coupe entre Mireille Mathieu et Jeanne D'Arc. Je sais pas encore si j'aime ou si les gens me cracheront dessus dans la rue. N'empêche, besoin de changement, c'est réussi pour le coup.

2) J'exporte Tito à la campagne. Tito, c'est ma chatte, en vrai j'aurais dû l'appeler Calamity Jane. Cela fait trois semaines maintenant que par ma faute (et la sienne aussi, vu son attitude) elle était sdf. Mais aujourd'hui, merci à Antoine, l'ami d'un ami, elle part à la campagne chez une femme qui adore les chats. Paraît qu'elle les fait même manger à une table. Où? C'est qui la femme? Chut, faut pas trop poser de questions. C'est déjà miraculeux qu'elle ait accepté à l'aveuglette de la prendre. Je m'en réjouis. Je me suis réveillée très tôt pour ça.

3) Je décide de mettre un terme à une pseudo-relation beaucoup trop années 90 à mon goût. J'y ai bien réfléchi, et elle est si 90 qu'on n'y croirait pas. Rappelez-vous cette grande époque où prévalaient deux expressions: "que du cul" et "fuck buddy". Perso, je les ai bien vécu ces années, mais je n'ai jamais été très fan des termes réducteurs ou qui conceptualisent à ce point un rapport humain. Alors de là à vivre ce genre de relation en 2009... Au début, j'y croyais pas trop, je me disais, attend, y'a autre chose, le sexe est mortel, certes, mais y'a pas que ça, si c'est si bien, s'il revient à chaque fois que toi tu dis stop à tout ça, c'est que, s'il t'invite chez lui, c'est que, s'il te roule des pelles comme ça devant tout le monde, c'est que... NON. C'est que rien du tout, et pour confirmer cela il m'aurait fallu la grande aide de mon meilleur pote Gab qui est en ce moment même à Shanghaï à s'étouffer de nems et de nouilles. Rien du tout. Ai-je besoin de la confirmation directe du concerné, après tout?
Ecoutez, on ne peut pas être parfaite, et si j'assume le ciré jaune moutarde, en matière de sentiments j'assume pas grand-chose. J'ai écris des trucs, ici, pour qu'il sache. Il les a lu. Il n'a jamais rien dit. Tant pis pour lui. 

C'est comme la quête du Graal: je n'ai jamais oublié que Perceval, dixit Chrétien de Troyes, perd le Graal, qui lui passe sous le nez lors d'une cérémonie, faute de ne pas avoir parlé. Bloqué par un conseil maternel avant de partir, qui lui disait de ne pas trop l'ouvrir, il n'a pas été foutu de poser la question sur cette mystérieuse cérémonie qui se déroulait sous ses yeux. Il avait la pureté pour obtenir le Graal, mais pas la vivacité d'esprit.

Bah voilà. Il n'avait qu'à parler, s'il était moins ce cliché du mec des années 90. (C'est pas très classe de régler mes comptes ici, mais en même temps je suis pas absolument obligée d'être classe, et puis les mecs années 90 ne sont pas très classes non plus...)

Mais enfin en écrivant cela, je me rends compte aussi que moi la grande gueule tapette, j'ai pas parlé non plus... J'aurais pu demander, comme Brigitte, s'il aimait mes pieds, ou mes fesses, ou moi tout entière; n'a pas la puissance de Galaad qui veut (Galaad, c'est celui qui obtient le Graal), nous sommes tous deux des avortons, des Perceval. Sauf que moi je suis une fille, (même si j'ai la coupe d'un gueux du moyen âge) et tandis que je ne dis rien, j'ai une dense et complexe activité intérieure, qui a été portée à son comble ces derniers jours.

J'en ai assez de me surchauffer comme une cocotte.
Game over.



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C'est une nouvelle partie qui commence.

mardi 10 mars 2009

L'abus d'alcool est dangereux pour le look

L'idée folle de partir en Irlande m'est venue dans un état de sobriété relative: je venais de passer la nuit chez un garçon qui ne me ménage pas en sensations fortes, ma tête surchauffait au soleil et j'avais bien dix nuits de sommeil de retard. Mais enfin, cela n'était rien quant à ce qui allait suivre. 
Olia, elle, avait l'excuse du décalage horaire et d'une maman très encourageante pour de nouvelles aventures pour expliquer logiquement comment elle a pu me suivre dans ce voyage alors qu'elle revenait à peine de New York, et qu'elle ne cuvait pas encore bien son décalage horaire.

En réalité, Olia avait même toutes les excuses du monde, et moi aussi, pour expliquer notre insouciance, et surtout nier notre apparent alcoolisme sous couverture de raisons valables. D'abord, elle est très nerveuse avant de prendre l'avion; pas tous les avions, certains seulement, et figurez-vous que l'heure et demi de vol pour aller à Shannon la stressait beaucoup: et hop! une petite bouteille de Bayley's, même pas glacée, même pas passé midi. Ça commence bien. D'ailleurs, j'aurais bien dû me dire au moment précis où je la vois s'enfiler en douce la bouteille (qu'elle tentait vainement de planquer dans un sac kraft, NYC-style oblige) que les choses allaient mal tourner.

J'ignore si c'était un rituel chez elle de boire avant midi, mais ça l'est vite devenu chez nous; encore une fois, une bonne raison pour s'acheter une petite bouteille de vodka: le Sprite Zero, c'est vraiment dégueulasse. C'est fou comme ça passe mieux avec de la vodka dedans. On la sent même pas.
On aurait dû rester posées tranquillement sur une pelouse, à siroter notre vodka, mais il pleut en Irlande, alors au lieu de ça, nous sommes allées dans le centre commercial de Galway, très drôle, très local: je devais lui montrer.

On finissait la bouteille quand on a acheté un tube à faire des bulles-qui-n'éclatent-pas-quand-on-les-touche! dans une boutique qui s'appelle Magic. Avec de la vodka dans le Sprite Zero, on gobait tous ce qu'on voyait; par chance, on n'avait pas trop envie de voler ce jour-là, sinon on l'aurait acheté, le tapis volant. Bon, une bricole à trois euros, c'est pas grave, même si on fout des bulles dans tout le centre mortes de rire, et dégoutées de voir cette matière bizarre qui fait que les bulles-n'éclatent-pas-quand-on-les-touche!, qui laisse une fine matière genre sperme séché dans les cheveux. Nice.

Le drame, c'est quand l'effet de l'alcool était à son comble et qu'on s'est retrouvées au beau milieu du Tati-Monop'-H&M local: un grand grand magasin hybride, avec pleins de trucs moches, et des perles. Pleins de perles.
Nous étions hallucinées, comme les furies du premier jour des soldes, en pire, parce qu'on n'a jamais fait le premier jour des soldes en furie. On a tout essayé. Olia a voulu s'acheter un maillot de bain alors qu'il faisait quand même 3 degrés dehors. Fallait le vouloir. Je l'en ai dissuadé, mais elle n'a pas pu m'empêcher d'adorer un ciré jaune, "super cool quand il pleut". Super cool, peut-être, en attendant faut l'assumer mon manteau moutarde verni qui fait "fvrouch fvrouch" dès que je bouge les bras. On dirait un peu que j'ai six ans quand je le met, je pense qu'il a d'ores et déjà été motif de désillusion aux yeux d'un garçon esthète que j'aimais bien (moyen, le "salut!" le matin, les bras en l'air, la tête planquée sous la capuche, et la démarche rythmée de fvrouch fvrouch)... Pas grave. Dommage, un peu, quand même.

Bref, mettons le reste de la journée et de nos achats sur le compte de l'enivrement. On a acheté tout pareil, mais pas de la même couleur, pour se rassurer:

-des santiags espagnoles
-des ballerines métallisées
-des gants de toillettes
-des boucles d'oreille
-des barettes
-...

Je lui ai troqué un noeud pour les cheveux contre une culotte, et elle m'a généreusement filé une paire de boucles d'oreille qui tombe.

L'après-midi ne s'est cependant pas arrêté là (ce qui aurait été mieux pour tous, surtout moi); j'ai aussi acheté:

-un noeud rose pour les cheveux
-un serre-tête avec un noeud panthère
-un serre-tête avec des étoiles pailletées
... Et le fameux ciré jaune, que ma soeur m'a offert, sceptique, genre "t'es sûre que tu le mettras à Paris?".
Nous sommes ressorties du magasin, nous, les sobres filles de Paris, accoutrées comme pas possible: Olia, qui se sape plus-mamie-tu-meurs avait ses boots de cowboy, un serre-tête doré dans les cheveux et des grosses boucles d'oreilles dorés genre aïe-les-yeux, tu lui enseignes à J.Lo. Et moi, heureuse comme Dingo avec mon noeud panthère dans les cheveux.

Je disais à Olia, avant de partir, que l'Irlande était la terre du mauvais goût; c'est vrai, on arrive bonnes et l'on repart avec un bidon de bière et l'esprit vaseux.

Ajourd'hui, je regarde dans ma salle de bains les accessoires que je trouvais dingues et je me fous la pression: sois j'arrête le Sprite Zéro-Vodka, soit j'assume.

Entre nous, je suis pas une tapette. 



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lundi 2 mars 2009

Bye Bye Baby

J’en ai trop envie. Un peu de fièvre ne m’en empêchera pas.

Je dois vous faire mes adieux. Bon, je ne pars pas longtemps. Mais je sais à quel point je reviendrais transformée de ce voyage. De ces quelques jours. Des bienfaits de l’Irlande dans mon organisme.

J’ai vécu à l’autre bout du monde, mais il n’y a qu’en Irlande où je me sens comme chez moi. Étrangement, ce n’est pas une terre qui me relie à mes ancêtres, ou qui me réconcilie avec les mythes de ma famille. C’est ma sœur qui s’est donnée à l’Irlande en épousant un Irlandais. Mais c’est moi demain qui vais retrouver un peu de paix intérieure, et de la clarté dans l’esprit.


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Ce n’est pas la même mer. Elle est émeraude et froide, argentée et hostile. Comme je l’aime. Le ciel est blanc quand il ne pleut pas, et les maisons de la baie brillent plus qu’en plein soleil d'août. Les pierres murmurent et les vagues font taire les mouettes que l’on n’entend pas.

Galway.

C’est là que je vais oublier un peu mon Paris soucis, Paris je ris, Paris je jouis. Paris et mes envies. Et puis ça fait tellement longtemps que je suis pas partie avec une amie. Depuis le lycée je crois.

Galway avec Olia.

On ira guincher dans des pubs bruyants, terreux, qui sentent la bière et le bois; on sourira à de pâles rouquins. On écorchera l'anglais, je jouerais de mon accent latin.

Là-bas les hommes offrent leur bras aux jeunes filles dans les rues, les soirs de tempêtes. Et ils portent des cabans d’Empereur. Ils ont le rire facile, le ton léger, et ils rougissent.

Toujours polis, enfin, ces méditerranéens de l’Atlantique.

On fera le marché. On mangera indien. On se couchera tard. On fera rire les filles. On boira du vin. On se fera des câlins en famille. 

Les cols relevés, les lèvres gercées, les joues roses et les yeux qui pétillent. On prendra des photos, ce sera chouette les jours de soleil. Quand il sort leur soleil, il est plus arrogant que partout ailleurs et il entraîne avec lui tous les commerçants. Il n’y a plus rien à redire que ce beau temps. Et l'on se fera des bagels à pas d’heure, tôt le matin.

Je trébucherai sur les pavés de la grand-rue, au grand air. Quelqu’un me relèvera bien.






Et je t’oublierai un peu, j’en ai besoin.



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