mercredi 22 décembre 2010

La preuve irréfutable de l'existence de D.ieu


Quand ça fait plus de deux mois qu'on n'a pas écrit, n'importe quel début peut sembler pompeux. Alors allons-y en grandes pompes.

La vie, elle se fout bien de ma gueule. M'est arrivé ce que Earl, ou mon père dirait un "putain de retour karmique." Quand ça vous arrive, je vous assure, ça fait mal au dent, au cul, mais quoi qu'il arrive il faut bien sourire, sinon on sort perdant.

Reprenons.

Fin juillet, Ex me plante après des vacances idylliques au Portugal. Ne me reste que ma mycose pour me tenir compagnie et mon mille euros de découvert. C'est là que Sauveur m'envoie des billets pour Bordeaux et avec lui je m'envoie en l'air entre les vignes, sirotant des grands crus, squattant gaiement au mariage de Serge et Isa.

Mon deuil tragique d'Ex aura duré deux semaines, durant lesquelles j'ai bien remis en question mon degré d'engagement, moi qui deux semaines auparavant pensais emménagement et enfant avec lui, me voilà donnant mes clefs à Sauveur dès la rentrée.

Je faisais ma maligne, comme je m'en remets vite de ce salaud d'Ex, mais ça, c'était avant qu'il revienne. Oui, encore.

Donc il est revenu, je peux pas mentir en disant que j'ai pas hésité... A mort j'ai hésité. Ca a été une lutte acharnée entre le passé velours et l'ardent présent, les souvenirs glorieux et l'avenir reluisant. Le pire, c'est qu'Ex et Sauveur, c'est le jour et la nuit, autant l'un est pâle que l'autre est olivâtre, l'un circoncis et l'autre pas, l'un Juif et l'autre Musulman. Je rigole pas : si la communauté internationale, ou TF1, aurait été au courant, on aurait fait scandale mazette. Mais non. Au lieu de ça j'ai serré les dents pour pas céder aux avances et garder suffisamment la tête froide pour savoir avec qui moi je voulais être, au juste.

La vérité, c'est que j'ai finalement opté pour la troisième solution choc : moi-même. Oui, je voulais surtout être avec moi-même. Mais Sauveur s'en foutait, alors il est resté, et moi, de la chaleur humaine et des belles dents, je dis pas non.


Donc on en arrive à il y a deux semaines : je suis enfin droite dans mes bottes depuis plus de deux jours, je veux Sauveur, et tant qu'on y est, pourquoi on déménagerait pas ensemble, puisque tu squattes mon 20m2 depuis septembre Sauveur, et que l'un sur l'autre on n'en peut plus. Bethsabée est donc au bureau tandis que Sauveur fait des visites. Oui, il bosse en freelance.

Parfois, Bethsabée va prendre un verre avec Ex qui lui dit "viens vivre avec moi, on sera heureux", et on oubliera bien vite le fait que j'ai voulu vivre pendant douze mois avec toi l'Ex mais qu'au lieu de ça t'as méchamment résisté puis tu m'as quitté comme on retire une chaussette humide après un jour de pluie.

Moi qui avais tellement voulu vivre avec Ex, le fait que lui veuille maintenant était très amer. Sauveur le comprenait, même qu'il me disait souvent "putain, ça doit être hyper frustrant pour toi." (Sauveur est très fort et très compréhensible, à la longue.) Je disais oui. "Frustrant", je crois qu'on tient le bon mot.
Désormais c'était Ex qui était prêt et qui voulait. Trop tard. Dommage quoi.





Donc il y a deux semaines, métro Oberkampf, Sauveur et moi nous visitons un appartement. Sauveur dit : "Je suis content que tu sois là, c'est le premier appart' qu'on visite ensemble." On verse pas une larme, parce que l'appart' en question est moche, mais presque. On visite, on la joue cool, on va bientôt partir quand...

...


...


...

Sauveur dit : "Y'a Ex qu'est là !" et je regarde dans l'embrasure de la porte, et effectivement, y'a Ex qu'est là.



Je récapitule (même dans un film hollywoodien de merde, cette scène n'est pas crédible) : en visitant un appart' avec mon nouveau copain, je tombe sur mon ex qui visite le même appart'. La blague. Imaginons le trio : je regarde Sauveur serrer la main à Ex (quels hommes !), Ex voulant à tout prix éviter de me regarder, ou de me faire la bise, moi insistant, et dans la foulée y'a ma pote L. qui accompagne Ex pour faire genre c'est un couple parce que ça passe mieux avec les proprios (la question que tout le monde se pose est : font-ils vraiment genre ?) (je dis oui) et je lui fais "hey, salut meuf", et pendant toute cette action j'ai eu le temps de voir Ex rougir et Sauveur pâlir. Plutôt marrant quand même.

Enfin, c'est ce que je me disais sur le coup.

Après, j'ai laissé mon esprit divaguer sur l'ironie de la vie.

Une phrase de moins il y a six mois aurait fait que ç'aurait été Ex avec qui j'aurais visité cet appart' pourri à Oberkampf. Un jour de plus pour laisser sa colère se calmer, trente minutes de patience de ma part pour le laisser cuver, un geste - sa main qui me retient quand je pars, ou quand je le baffe - une somme d'infinités et de possibilités et l'équation n'aurait plus été la même.



Et encore.

C'est là la vraie question. Tout baignait avec Ex. Enfin non, ça baignait pas, mais je l'aurais pas quitté, parce que je l'aimais. Vraiment ? C'est ce que je me disais. Je voulais pas que ça se finisse ; et pourtant, j'ai pas pu y retourner. Y'avait déjà un troisième pôle à l'équation de nous deux : Sauveur. Un geste aurait-il suffi ? La rupture tue en bouche, et j'aurais salué Sauveur comme un simple ami au bras de mon mec lors d'une visite d'appart' où l'on se croise tous par hasard ?

Bullshit.

Il y a six mois, c'était Ex qui rompait pour de vrai, et sans ça ç'aurait été un cheveux blond sur sa veste, un SMS foireux ou son dédain qui me harcèle qui aurait tout fait planter. Effet papillon : on est donc tous susceptibles un jour de se retrouver à visiter un appartement, coincée entre son ex et son mec. Qu'on se le dise sous le manteau.

Enfin, c'est pas le pire.
Bien que je m'en remettais pas, de cette scènette lubitschienne, j'en ai un peu profité.
Sur la route, on a rejoins Giugiu, mon ami journaliste qui croit vraiment que l'objectivité journalistique, c'est possible. Giugiu est si terre-à-terre, si athée et si peu spirituel, qu'avec lui je ne peux que vouloir désespérément croire en D.ieu, moi la non-croyante. Donc, j'essayais de le convertir :

"Putain Giugiu, me dis pas qu'après ça D.ieu Il n'existe pas."

Giugiu, c'est un journaliste, il est imperturbable : "Non, c'est lé même ami en commun qui vous a mis sur lé coup, donc c'est pas si dingue qué ça qué vous vous retrouviez à la visite." (Giugiu est Italien, pour ceux qu'ont pas compris.)

Quel esprit imperturbable celui-là. Moi, j'étais prête à aller faire Kippour et troquer Noël contre Rosh Hashana...

Or, contre la logique de Giugiu, il y eut encore une intervention divine.

Une demie-heure était passée, on était sur le quai de la Gare d'Austerlitz, et je faisais des blagues vaseuses à mort sur notre fier trio, quand Sauveur à redit :

"Tiens, y'a encore Ex."

Dammit.

J'vous jure, il était encore là, toujours avec ma pote L. Cette fois, personne n'a changé de couleur, on s'est marré, parce que bon, hein, faut pas déconner la vie, tu veux qu'on se détende du slip, et ben d'accord, on va tous de ce pas se toucher les nichons et se rouler des pelles. Chose qu'on a presque faite : on a donc pris le métro ensemble, sachant qu'en plus on était au terminus, et que par conséquent, à part nous, le quai était vide.

Par miracle encore, ils se sont retrouvés seuls, l'un face à l'autre. J'ai même pris une photo...



C'était marrant.

C'est là que j'ai presque réussi à faire admettre à Giugiu que D.ieu, non seulement il existe, mais que vraiment, c'est sûr, il est Juif, avec l'humour qu'il a.