lundi 2 juin 2008

Gala ou mes amarres

"Je pense... Je pense... Je pense qu'on en apprend bien plus sur soi quand on se fait larguer que quand on largue."

Tu m'étonnes. Elle avait bien pensé et bien pesé ces bons mots. Ton affirmatif. Trois heures trente du matin, assises sur un bout de trottoir rue Montmartre, les yeux vitreux, toutes deux un peu ivres, en train de philosopher sur la vie, enfin, sur l'amour quoi. En général, je commence ce genre de conversation par mon sujet fétiche: le sexe. C'est mon dada. Mais là, c'était différent. Rien à voir avec l'idée que l'on défend de soi, aucun rapport avec le beau score des combats relationnels qu'on a plus ou moins magistralement remportés sur la gente masculine. Là, je suis dans la merde parce qu'orgueil et séduction à part, elle me parle droit dans les yeux de quelque chose de plus profond, je ne sais pas moi, l'humilité, la dignité, la connaissance de soi, la remise en question, en tout cas quelque chose qu'apparemment j'ignore. Bordel. Et me voici qui creuse dans mes souvenirs pour vérifier si on m'a largué un jour. Ouhla. Malgré la masse dense des souvenirs, entre deux verres ou des voyages, entre les saisons ou les écoles, je me lance rapidement dans un inventaire qu'on s'accorde tous à qualifier de dégueulasse mais que l'on fait tous (un peu): que celui qui n'a jamais baisé taise le premier numéro. Pour ma part, c'est vital en termes de mémoire: je ne me souviens jamais de quelle année on était, mais avec qui je couchais. Enfin, sortais. Enfin, fréquentais... Voyais, croisais, évitais, je ne sais même plus quel mot employer pour toutes ces relations. Qu'elles durent deux heures et l'on aime encore, qu'elles durent des années et l'on n'en parle plus, au fil du temps ou des téléphones, night and day, ça se bouscule et ça s'est bousculé, alors pour la définition... En tout cas, pas de date, que des référents émotionnels; finalement je suis plus humaine que je ne le crois. Mes années, ce n'est pas 2001 ou 2005, mais c'est quand Maman est morte, quand j'ai passé le bac, quand je servais des cafés... Ou encore l'été que j'ai passé avec Sayat-Nova. Je me rappelle mieux. La canicule. Nous on s'envoyait en l'air pendant que les vieux crevaient; on transpirait de tous les pores de nos corps tandis qu'ils se desséchaient. Il y a aussi l'année où je suis partie en Argentine, l'année où je me suis mariée... ça peut certes sembler réducteur, parce qu'il se passe des millions de choses en une année, et puis ça peut sembler égoïste aussi, parce que je ne pense jamais l'année où les Twin Towers se sont effondrées sinon l'époque où je portais la frange. No comment. On fait comme on peut, avec ce qu'on a.
Je digresse, là, maintenant, et je digressais avec elle, perdue dans le flux, perdue dans les pensées... Je me noyais: à boire! ça aide. Alors je me suis souvenue petit à petit (elles nous servent à quelque chose les listes qu'on fait avec Ninon, finalement) et tout ce que je visionnais c'étaient mes ruptures, nombreuses, entassées, en pagaille, en constante dégradation qui plus est: les premières, en face-à-face, honnêtes, avec des larmes et de la trouille; puis sur un mode épistolaire mélancolique et dramatique; quelques mails enfin, de plus en plus brefs, jusqu'au terrible silence radio. Elle est loin l'appréhension, la boule au ventre. Jusqu'à ce que je rencontre celui avec qui l'on se sépare tout feu tout flamme, à grands coups et à grands cris, et que je décide que la meilleure façon de ne plus se quitter, c'est de directement ne plus se mettre ensemble.
J'étais triste en pensant à tout cela. Et c'est là qu'il est apparu comme le messie de ma liste: mon amour du Sud qui m'a plaqué. Je vous tais son nom parce qu'encore j'ai de l'orgueil. En me souvenant de lui, sur le coup j'étais contente, amusée même: Ah oui, j'ai dit à ma copine, y en a un qui m'a quitté. Silence. Tandis que je me demande ce qu'il a bien pu m'apprendre, mon briseur de coeur, tandis que je passe au crible cette sale nuit trop étoilée où je l'ai même supplié, en larmes, je me rappelle sa faute: il m'a rappelé quelques mois après, désespérément désespéré et encore amoureux. Zut. Il ne compte plus alors, il ne peut pas compter, il en faut un qui m'ait vraiment quitté, en m'ayant balancé tous mes défauts à la gueule sans regret. 

Au bout du compte, moi qui croyais que je m'en sortais plutôt pas mal, je me suis sentie bien minable, ce soir-là, d'être passée à côté de la plaque; désormais convaincue que la réelle expérience que je veux et que je crains de vivre ce n'est plus l'amour, sinon comment s'en défaire quand il vous colle à la peau, seule, et non plus sortir de la vie de quelqu'un comme on y est entrée, comme une inconnue, Merci, Au revoir. Certains me haïssent encore pour ça. Alors peut-être pour leur rendre hommage, je me dis qu'il me faut les rattraper; à défaut d'avoir voulu véritablement les connaître, je peux encore essayer de connaître ce qu'ils ont ressenti, vécu. C'est là je crois que je suis censée apprendre quelque chose de vraiment cool, de vraiment marquant. Quoique... Une fois... Une fois on m'a quitté au bout de quatre jours d'idylle! À la terrasse d'un café corse en plus. Mais grâce à lui, et je l'en remercie encore, j'ai rencontré quelques jours après un autre amour, plus grand, plus mieux; est-ce qu'il compte alors? Certes, cette rupture n'était pas dépourvue d'enseignement important: mon furtif amoureux était homosexuel. L'expérience finalement ne m'aura pas servi à grand-chose à part être carrément libre pour le suivant...

"Le suivant".

Ce n'est pas avec ce genre de vocabulaire que je vais arrêter de taper dans la superficialité, toucher l'absolu, et plonger un peu plus dans mon moi insaisissable.
Tout est perdu? Je suis donc perdue?
J'ai un amour, là, aujourd'hui, hier, peut-être demain, qui a bien voulu m'aider, quand il a su ma quête du Graal du rejet amoureux: "Ah ok bah je ferais un effort pour te larguer alors."
Direct le mec, même pas le temps pour une virgule.

Heureusement que je suis entourée de gens qui m'aiment et me comprennent.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

salope