mercredi 3 juin 2009

Mercredi mon kiki

Il y a des jours comme ça. Des jours de merde, un peu. Enfin, des jours de merde en leur essence. Des jours fondamentalement de merde. 
Par exemple, quoi que je fasse, ou pense, je devais de toutes façons me lever à 7h ce matin pour me pointer à 8h30 à l'autre bout de paris, dans le 13ème, pour une "analyse filmique" sur Hitchcock. Génial. Hein.
Tiens, je vois  qu'il fait déjà beau. Bien qu'on soit l'aube. Super. La journée sera chaude, donc. Très. Vu l'intérêt que porte le gouvernement à l'Université Française, vous pensez bien qu'il n'y a évidemment pas d'air conditionné dans les amphis bondés. Juste une salle, sombre, et feutrée, avec 38 centimètres de table par étudiants, et le ronron d'une bouche d'aération qui n'aère rien. Non, je n'exagère pas, ce n'est pas la prison non plus. Quoique je ne suis jamais allée dans une prison...




Bref. Je me suis fraîchement levée, j'ai essayé mille trucs, on se demande pour quoi, hein, vu qu'au final j'étais pas seulement à la bourre, mais sapée comme une grosse mamie. Je pense bien ces deux mots mis ensemble: grosse (mon bidon, mes seins, mes bras, mes orteils, tout, tout), et mamie, puisque j'ai mis un truc qui devrait faire cool, un petit tee-shirt frais Comptoir des Cotonniers, mais y'a rien à faire, sur moi tout fait Carrefour aujourd'hui, et je n'ai mystérieusement pas su éviter la périlleuse jupe pseudo-bohème au genou (la honte) blanche, avec.. des ballerines. Mauvais jour, donc. J'en étais là. 

Mais jusqu'ici y'a pas de drame non plus, y'a juste une pauvre étudiante grosse et moche qui a la méga tête dans le cul dans le métro. Je suis en retard, mais ça va. Étant donné que c'est de l'analyse d'extrait, y'a juste intérêt à pas rater la projection de 3 minutes qu'il faut analyser après, de façon pertinente, pendant 4 heures. C'est pas la mer à boire.
Quand j'arrive sur le quai du RER, et que j'entends "30 minutes de retard quai B, quai B, 30 minutes de retard..." Juste sur mon quai, juste sur ma ligne, juste dans ma direction. Je panique. Parce que je serais trop en retard, là. Je déteste être en retard en plus. J'aime être ponctuelle. Alors je cours. Comme Lola dans le film. je cours après des millions, des millions de secondes. A la recherche du temps perdu vs la panique hitchcockienne. 

En courant, bien que je maudisse la chaleur, le soleil trop en forme, les quais de Seine d'Austerlitz aux Grands Moulins, les voitures, le bus derrière lequel je cours en faisant des signes et qui ne m'ouvre même pas la porte quand j'y tape trois fois gentiment  au feu rouge, et mes gros nénés lourds qui bougent lourdement, dans mon soutif énervant, je bénis mes ballerines de mamie. J'avais failli mettre des talons... Vous imaginez? C'est ce que je me dis, pendant que je cours. Moi j'imaginais pas. J'aurais pleuré, pour sûr.

J'arrive en nage. Dans la salle. Dans le noir. Je vois rien. J'entends qu'on m'appelle en chuchotant (j'ai encore des amis, malgré tout), mais l'extrait commence. Je m'assois n'importe où, un peu honteuse, rouge, décoiffée, mais c'est pas le pire, en nage surtout, et grosse et vieille. (Je vous le redis à chaque fois, au cas où vous n'auriez pas encore compris.)

Attention suspens effroyable...
Rear Window. Fenêtre sur Cour.
Un classique. Que j'adore.

"Facile", se dit tout le monde.
Sauf que moi je sais (alors que tout le monde il est bête comme des chaussettes) que lorsque ce n'est pas un obscur Hitchcock, comme Correspondant 17, mais un classique vu et revu, ça veut dire que ceux qui ont étudié ont lu mille choses dessus, et que donc ça va. 
"Pour ceux qui ont étudié".
C'est un vrai sujet de suceurs.
Aucun espace de création dans ce truc rabâché.
Nul.

Alors on fait comme on peut. 

Après, on passe l'aprem au soleil, sur la pelouse du campus de la fac. Vous vous dites que ça va, que j'en fait un peu trop, que c'est cool finalement. Que y'a rien de fou à n'être qu'un cliché étudiant. On s'en remet vite. Sauf qu'on a faussement l'air de jeunes heureux, alors qu'on attend de passer un autre partiel de 4 heures sur "La nouvelle, écriture de la totalité." Le nom des cours, je vous jure. C'est sur les Mille et une nuits et le Décaméron de Boccace (prenez-en de la graine). Ça va quoi. Oui, ça va, j'ai compté comment ça allait: ça va de 2400 pages.
Bon.
On n'est pas des tapettes.

Sauf que, surprise, on se rend  compte, ahuris, tous, que le sujet porte sur Pasolini, et sa Trilogie de la Vie.
On croyait que c'était facultatif, ça, dans la bibliographie indicative. Autant croire au Père Noël aussi.
C'était donc 2500 pages + 6 h de film où ils niquent comme des caniches, et que c'est pesant de voir ça stoïque parce que ça réveille des instincts canins les films de Pasolini. Enfin, chez moi en tout cas. 




À 18h15 je sens enfin le vent de la liberté sur ma nuque. Le soleil décline: super. Je prend le RER. Il est à l'heure. Super. Je passe par Châtelet, et, déprimée que je suis, je me dis que malgré mon découvert bancaire d'un million d'euros, je m'achèterais bien une combi-mini-short-zébrée.
Le H&M est blindé, mais je ne désespère pas. Je prend pleins de trucs à essayer même, des robes moulantes et tout et tout. Quand j'arrive à la cabine, la meuf me dis "combien d'articles?", auquel je répond naïvement: "Sept."
Elle me fait "posez-les." Elle attend. Je sais pas ce qu'elle fout, y'a la queue, des cabines  libres, mais elle me fait poireauter. Elle compte enfin un à un mes articles, minutieusement, me jetant des coups d'oeil hostiles, de bas en haut, et vice-versa.
Quoi, on peut pas être épuisée-grosse-moche-perdue-étudiante, et faire du shopping chez H&M un mercredi soir?

C'est quoi ces soupçons-là?

Évidemment, je n'ai rien acheté, puisque je suis...blabla rien ne m'allait. Je lui rend les articles, et les recompte minutieusement: "...cinq, six, sept. Merci." Pétasse.

Retour à la case départ: la charmante station Châtelet-les-Halles. Y'a que Obispo pour faire une chanson lyrique et onirique là-dessus. (Ou c'était Florent Pagny? J'ai un doute, mais je veux pas vérifier. Ca suffit pour aujourd'hui la souffrance.)

Bon. Je vais enfin rentrer me poser.
Mes 2500 pages me pèsent à l'épaule.
J'ai faim.
Je suis blabla...

Nous sommes une multitude de petits insectes travailleurs et soucieux, connaissant par coeur le chemin, et où il reste des 20 Minutes pour les mots croisés et l'horoscope, et l' on se faufile comme des virus à travers les couloirs, on brandit nos pass comme des foufous, y'a des bips bips de  partout... Quand soudain un contrôleur surgit au-devant moi; pour me contrôler. Oui. MOI. Perdue dans la multitude. Invisible avec mes 1m57. MOI. Pas le chinois qui vient de passer juste avant moi (alors qu'il m'a tout l'air louche, lui), ni personne d'autre d'ailleurs. Non. Que MOI. Spécialement MOI, en exclusivité pour me gonfler.

Ainsi, pour couronner cette journée de merde, j'ai été en plus victime de discrimination. A deux reprises même. (N'oublions pas la meuf des cabines tellement intolérante.) Les gens se méfient des grosses-vieilles-moches des mercredi. J'ai une dégaine de voleuse pour la meuf du H&M, et j'ai l'air pire que tous les pires de Châtelet pour les agents de la RATP.

Putain quoi.

Je veux pas en rajouter dans le glauque... Mais je pourrais. 

Néanmoins mon physique antipathique et désagréable ne m'a pas empêché d'observer des choses tout à fait insolites aujourd'hui:

* J'ai vu un tatouage de l'Afrique avec écrit Carpe Diem dedans. C'est dingue. N'est-ce pas.
*J'ai remarqué enfin que lorsque les gens baillent la bouche fermée, refrénant le bâillement, ils ont des faces de dinosaures.



*J'ai réussi enfin à éradiquer toute jalousie de mon être, surtout en ce mercredi-mamie où je me sens particulièrement moche. En effet, le meilleur moyen de ne pas être jalouse, c'est de se dire: de toute façon j'en ai rien à foutre, rien ne dure, tout est voué à l'échec, ce détail n'est rien face à la mort qui se rapproche chaque jour, que ferais-je de cette rivalité au tombeau, et enfin  je me barre en Chine dans 15 jours. Voilà! Plus de jalousie! Que du nihilisme communiste. Ça marche à mort, je vous assure.

* Enfin, désespérée par le H&M, je suis passée au GoSport. J'ai acheté un bonnet de bain et des lunettes de plongée. Pour faire de la Na-ta-tion. Oui messieurs-dames. Grande première.
Bientôt, je serais bonne!





Ça sent le jeudi qui se pointe, ça.




2 commentaires:

R a dit…

çà n'etait qu'une mauvaise journée

chloinette a dit…

Euh.......... Vas-y mollo, faut quand meme pas lui ressembler a la nageuse aux petits seins!