(En une demi-heure chrono, on m'attend pour dîner...)
Ce soir je voudrais parler donc de ce que j'appelle la mythologie du couple. C'est-à-dire que chaque couple a une genèse, sa propre histoire. Moi, ça me fascine. J'ai envie de demander à tous les couples que je croise comment ils se sont rencontrés. Ce que je préfère, c'est que ce n'est absolument jamais la même version à chaque fois.
Il arrive que l'histoire des débuts du couple soit si belle que le couple continue, même lorsque ça ne va plus, seulement parce que les débuts étaient idylliques, mythiques, romanesques. C'était le cas de mon mariage (oui, j'y reviens encore, c'est inépuisable d'anecdotes le mariage...) : au début, le coup de foudre simultané/réciproque, le désir qui montait, le tabou (on était cousins), la distance, tout a fait que c'était incroyable. Deux ans après, alors que notre quotidien était invivable et qu'on se bouffait cru comme des chiens, on s'accrochait désespérément à nos débuts, seule chose rose du tableau. On se regardait dans le blanc des yeux pour se remémorer notre Eden des sentiments.
C'est débile. Et trompeur. Il faut se méfier des débuts de miel; ça nous engourdit le coeur et aide à ce que l'amour, ensuite, nous rende longtemps aveugle.
La plupart des couples originaux, et costaux, ont d'ailleurs des débuts les plus étranges. (Superbe vérité générale énoncée que je n'ai pas envie de développer.)
Cependant, l'exact contraire au début parfait n'est pas mieux. Un début de merde, avec des valeurs inversées, pas d'amour, pas de réciprocité, c'est pas évident à mentalement assumer. Car même si avec le temps il est possible qu'on s'attache, on reste toujours sceptique, du fait d'être issue d'une génération Disney. Difficile de se convaincre : "Oui chérie, j'ai rencontré ton père à une partouze, il était seul puisque personne voulait le sucer, et finalement de fil en aiguille, ..."
On prétend être libre. Nous sommes même libres de vivre des choses différentes du schéma préconçu idiotement romantique. Niquer à tout va, pas de problème. Se taper une bande de potes, pas de problème. Draguer par chat, pourquoi pas. Mais quand on revient dessus, on sent bien qu'il y a une couille dans notre soupe de mythologie. Parfois, on voudrait bien se dire que dès le début on avait l'aval des dieux pour commencer cette histoire. Que le monde était d'accord avec notre dévolu.
Franchement, je vais pas tourner autour du pot 150 ans, le garçon que je fréquente (j'ai vraiment du mal à me la jouer noir sur blanc façon avec mon mec) et moi avons des débuts compliqués, difficiles, poussiéreux, et parfois glauques. Souvent même. Enfin, ça c'est la version officielle qu'il me faut assumer. Je me suis plus souvent sentie vieille pute que princesse à nos débuts. C'est bizarre comme constat, mais entre nous j'en connais pleins qui vivent l'inverse : d'abord princesse, puis vieille pute. Alors je vais pas me plaindre.
Au-delà de cette version officielle, j'ai remarqué que je me suis faite ma propre version, plus tendre, plus romancée, plus belle. C'est là que je me rends compte qu'il est très difficile de vivre sans mythe.
L'appréhension que j'aurais de confronter ma version à la sienne, et à l'officielle, me confirme une chose : on tient désespérément à notre mythologie du couple. C'est pareil que la terrible angoisse de la genèse des enfants : on t'a trouvé dans une poubelle. Cette vieille blague du frère ainé prouve une chose : peu importe l'harmonie de la famille, le confort, l'amour des parents, il est terrorisant pour un enfant de penser que les débuts, c'était de la merde. Que ça a mal commencé. C'est aussi la blessure des adoptés : bien qu'ils aient été gentiment élevés et recueillis, ils ne peuvent pardonner l'idée que dès le début, on ne voulait pas d'eux.
Est-ce que je me sens comme une enfant adoptée ? Malgré les efforts et les avancées, serai-je toujours obsédée par nos débuts branlants ?
Faudra-t-il compenser un jour ce manque de délicatesse ? Voudrai-je, en dédommagement de n'avoir pu avoir une belle rencontre magique, un pavillon en banlieue, une Porsche Cayenne et un labrador ?
Je ne sais à quels saints me vouer. On sait que les histoires d'amour finissent mal, en général. Mais celles qui commencent mal ? Hein ?
Je sais pas pour le labrador.
Je me contenterais peut-être juste de la Porsche. Pour commencer.
2 commentaires:
je comprends pas trop votre concept de "version officielle"...normalement on utilise ce terme pour masquer la réalité... là c'est plutot le contraire dirait-on non? Parlon plutôt de "version réelle"
oui, c'est juste... ou de version subjective, puisque de toute façon chacun a son ressenti et son propre avis.
la réalité n'a pas grand-chose à voir là dedans...
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