dimanche 4 avril 2010

Pâques cloche

Hier, c'était le 3 avril : l'anniversaire de ma mère. Deux jours avant, le 1er, c'était le jour où mes parents se sont mariés. Poisson d'avril qui aura duré presque 30 ans, jusqu'à ce que la mort les sépare. Pas tellement de quoi rire.


Ça m'a fait un choc quand j'ai réalisé quel jour on était hier. J'avais passé la semaine sans savoir quel jour on était. J'avais des rendez-vous, des promesses de douce journée, des apéros à boire, des amis à voir. Et puis l'effritement. Personne au bout du fil. Tout s'annulait.

Tout m'est donc indisponible.
Même de la part de celui dont j'ai le plus besoin.

J'envoie des messages à la hâte, au soleil, avant que ne revienne la pluie. Je décide d'aller mourir de tristesse et d'isolement dans mon lit, pour couronner un week-end qui voulait être réussi. Mais la pluie me surprend, pile en face d'un bar d'amis. C'est décidé, il est 20h, je boirais ma tristesse tout le soir.

J'entre seule au bar, je m'assoie seule, on me reconnaît, me fait la fête, me sourit. Un BloodyMary, du rouge tomate et de la vodka, un verre salé et piquant quand j'ai la vie qui me démange. Je n'ai nulle part où aller, personne à voir, rien à faire. Un manuscrit à lire, dans mon sac, ne me quitte plus. J'allais m'enfermer pour lui, me coucher avec lui : c'est le premier roman d'un homme dont le talent me crève les yeux à chaque ligne. Et dire que je le lis, pâmée, et dire qu'il m'a lu, surpris. Maintenant, j'ai honte.

J'enchaîne les verres, et mes vieux amis me rejoignent. Mes vieux amis, les meilleurs. Ceux qui m'ont sauvé la vie, l'un sur la Grande Muraille de Chine, l'autre au collège, quand il s'agissait d'un branle-bas de combat pour sauver ma santé mentale, et la violence de la fin de mon premier amour. Ces amis qui sont toujours les grands crus de l'amitié, ceux qui surgissent au coin de canal St Martin pour m'enlever d'une étrange torpeur. Ces amis qui me connaissent. Avec qui je ne peux feindre rien.

On dîne. On boit. On va faire la fête.
Tout est flou, sauf les Cosmopolitains qui s'ensuivent et le silence au bout du fil qui persiste quand j'appelle. Sauf quand ce n'est pas le bon amour qui me répond. Je suis déçue.
Et je me remets à penser, sans l'admettre, au 3 avril, à tous ces avril qui passeront toujours, et toujours, par le début, le 1, puis vite le 3 qui baise le 2 (on s'en fout du 2), la blague de mauvais goût qui aura duré 30 ans et l'anniversaire d'une morte qui n'en a pas fêté assez, des 3 avril.



C'est pâques, et je n'ai pas de chocolats. Elle n'est pas là pour me cacher, dans le grand appartement, une poule en chocolat blanc. Je suis du genre vanille, chocolat blanc, pâte d'amande. Trop sucrée, à m'écoeurer. Écoeurante. Hier soir, entre deux danses, dix verres, quelques pétards, j'ai perdu un bout de coeur. J'ai pas encore envie de le récupérer. J'ai pas encore envie que faiblement il repousse. Je voudrais pouvoir rester incomplète, et n'avoir plus rien à récupérer.

En ce dimanche tristesse sans chocolat je pense à toutes ces absurdités qui m'accompagnent à chaque instant d'existence : mon boulot trop féminin pour une féministe ; mon amour trop tiède pour un amour ; mon ami trop talentueux pour ne rester qu'un ami ; mon mariage disloqué mais fermement collé avec de la glue3 ; les voyages que je n'entreprend plus ; mon appartement trop petit pour être si crasseux, et ma solitude trop réelle pour être passagère.

J'ai terminé le manuscrit, le roman du voyage dans les Andes. J'y ai revu ma Buenos Aires, et j'ai entrevu les paysages que je n'ai pu connaître, les sentiers, les lamas et les feuilles de coca.



Que faire de ce dimanche ? Rester au lit, et attendre mon nouvel invité ? On m'appelle pour aller faire du yoga. C'est tout ce qui me manquait, franchement, du sport. Mais pourquoi pas. Prendre ce qui vient. Aller vers ce qu'on a. Fadeur de celle qui peut-être vit sans courage.

Si j'avais le courage, moi-même je m'abonnerais aux absentes. Je n'y serais plus pour personne. Le temps de mieux m'y retrouver, et de mieux choisir. Rompre l'habitude, créer une nouvelle accoutumance, et devenir une drogue. Répondeur sur répondeur, tonalité téléphonique sans voix, adresse erronée. Disparaître. Pour réapparaître. Bouger de là.

C'est à croire que je ne me ferais jamais à l'âge adulte. Comme pas de bras, pas de chocolat, pas de maman, pas de poule blanche. Et la faute à qui ? Personne, alors serre les dents et ferme ta gueule.

Mais quand même. (je ne sais pas fermer ma gueule) J'aurais voulu quelque chose de caché. Au fond du lit, au détour d'un meuble, dans un angle mort qui voudrait ressusciter. Quand même. Du chocolat et des idées. J'aurais voulu.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

encore ,que faites vous,j ai envie de vous lire