Parfois, je me demande.
Quand je le regarde, lui, et qu'il m'énerve, et que je ne l'aime plus, je me demande. Comment en est-on arrivé là. Pourquoi je ne l'aime plus. Comment j'ai pu partir.
Comment !
Quelques mois encore à peine et il était tout pour moi, et j'avais coupé les ponts avec les prétendants mystères, et l'on avait accommodé nos horaires et nos calendriers l'un à l'autre, harmonieux.
Un couple. Un couple comme les autres. Qui se dit je t'aime. Et qui s'aime, peut-être.
Mais combien?
Il y a des jours où j'y ai vraiment cru à cette histoire, de la même façon que j'ai cru à toutes les autres, à quelques secondes prêt. J'y crois toujours, mais plus ou moins longtemps. Quand je fais le bilan, ce constat m'époustoufle: j'étais en plein dedans il a deux semaines/trois jours/quatre mois, peu importe, le fait est qu'aujourd'hui, j'en suis loin. Nous ne sommes plus sur la même planète. Parce que c'est fini, fini, fini.
C'est là que me vient cette idée du Point de Non-Retour comme seule explication logique à la possibilité d'un écart avec ce que l'on a de plus proche.
Le Point de Non-Retour, ce n'est pas comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Parce que la goutte, quand elle déborde, c'est comme la moutarde qui monte aux nez, ça explose, là, sur le coup, on le sait, on le sent, et surtout, on le fait sentir. C'est spectaculaire, mais ce n'est pas le pire, puisqu'après tout, le vase est vidé. Et les choses, sincèrement, sortent.
Le Point de Non-Retour, c'est plus dangereux.
Parce que l'on ne le voit pas forcément. Il est insaisissable parfois. C'est juste qu'un jour, il s'est passé ce qui explique qu'aujourd'hui, je ne t'aime plus. Comme ça. A peine vu, compris. Un instant, quelque chose s'est brisé, et même si les mois passent et les heures coulent, l'amour est resté coincé dans cet instant précis, et n'a plus grandi.
On se retrouve avec un avorton, un embryon dans le coeur, l'amour n'a pas grandi, là est la tragédie, alors on ne suit plus rien, et on se casse.
On est parti. Puis dans un coin de chez soi, on y réfléchit, on fume un clope, et au coin de la rue on s'en aperçoit : on comprend mieux le comment, et le pourquoi, des planètes distinctes des gens qui s'aimaient avant. On remarque, avec le temps, qu'il y a bien un instant où tout s'était pétrifié, sans possible retour en arrière à un Eden des sentiments.
Je me suis demandé comment ça avait été possible que je me sépare de mon mari, par exemple.
Comme ça : MAIS COMMENT EST-CE POSSIBLE ?
Ahurie.
Incroyable.
J'avais dit Oui. Je m'étais perdue dans le blanc de ses yeux. J'étais pour, décidée. Que je le quitte, fasse mes valises, renonce au rêve commun semblait véritablement improbable.
Cependant quelques mois avant le fameux départ, il avait détruit tout mon atelier. Il avait pris tous les meubles, les tiroirs, les pinceaux, les perles, infimes, minuscules, les papiers, tout, tout, et avait tout balancé en un grand tas de rien par terre. Excès de rage. Si les objets peuvent se ranger, les larmes sécher sur le parquet, et la nuit d'amour suivre la journée pleine de cris, l'âme ne pardonne pas un tel geste destructeur. Symboliquement et réellement, son geste, cette bêtise-là, c'était donc mon Point de Non-Retour. Mais je ne savais pas. Je lui en ai voulu, j'ai cru pardonner, j'ai cru pouvoir rester; franchement, c'était aveugle : on ne reste pas avec quelqu'un qui s'attaque à votre atelier. Ainsi, si la rupture s'est laissée couler encore quelques mois, le truc était déjà mort.
C'est pour ça que je la trouve dangereuse, cette frontière, le Point : il semble qu'on n'en revient pas. Que ce soit impossible. Même si on veut de toutes ses forces rester, y croire encore, au final, le temps qui s'écoule n'est que celui qu'on met à admettre. Admettre que ça ne se sauve plus. Que c'est mort.
C'est comme certains qui pensent pardonner leur moitié adultère, puis se rendent compte que le temps ne fait rien à l'affaire, que certaines choses ne s'avalent pas, indigestes, et ils ne font que reculer pour mieux partir ensuite, et pour partir plus loin.
Car dans quelle mesure sommes-nous réellement capable de recoller les morceaux?
Est-ce franchement possible? Et qui le veut? Qui se laisse réparer? Qui sait réparer?
J'avais une copine qui disait, c'était drôle, que les deuxièmes chances, ça n'existe que dans les films. Que les mecs parfois devraient cesser d'en demander, et de se croire à Hollywood, puisque ça n'existe pas. Si on fait la démarche de partir, c'est qu'on ne veut justement pas de deuxième essai.
Logiquement, s'il n'y a pas de deuxième chance, ou que dans les films, c'est donc qu'il y a bien une frontière infime à laquelle il faut faire très attention. Un territoire sacré chez les gens, qu'il ne faut pas forcer, violer, enjamber.
Des hardis s'y aventurent. Par curiosité, par défi. Les pauvres : être hardis ne leur suffit plus : il faut qu'ils deviennent des sur-hommes super fort pour réussir à recoller les morceaux. Parce que y'a pas de notice, et pas de formule miracle.
Enfin, comment savoir si l'on a atteint notre Point de Non-Retour?
Vu que je sais son existence, je le guette : mais comment savoir si mes arrières-goûts amers sont les symptômes de la déchirure, ou simplement une couleuvre de plus à se manger, comme on s'en mange presque tout le temps?
C'est bien là tout le problème. Il y a un doute. Un vrai, intense, profond. L'espace de quelques heures, ou quelques jours. Ebranlé, bateau ivre, on ne sait plus.
Et c'est sans doute là le truc magique, miracle, la brèche des possibles que tous les arts ne cessent d'extrapoler, de magnifier... Ce doute que l'on ressent, ce moment où l'on tangue. L'opportunité parfaite pour nous manipuler, nous désaxer à sa guise, ou pour se laisser aveuglément mener. Pour voir.
Le moment d'ébranlement idéal pour saisir des deuxièmes chances qu'on sait même pas si elles existent.
Le couloir étroit des possibilités qu'on néglige.
Le point d'interrogation qu'on renverse en clef de Sol.
La main qu'on rattrape.
Le vide qui s'immisce et qu'on finira par laisser. Ou pas.
Quand je le regarde, lui, et qu'il m'énerve, et que je ne l'aime plus, je me demande. Comment en est-on arrivé là. Pourquoi je ne l'aime plus. Comment j'ai pu partir.
Comment !
Quelques mois encore à peine et il était tout pour moi, et j'avais coupé les ponts avec les prétendants mystères, et l'on avait accommodé nos horaires et nos calendriers l'un à l'autre, harmonieux.
Un couple. Un couple comme les autres. Qui se dit je t'aime. Et qui s'aime, peut-être.
Mais combien?
Il y a des jours où j'y ai vraiment cru à cette histoire, de la même façon que j'ai cru à toutes les autres, à quelques secondes prêt. J'y crois toujours, mais plus ou moins longtemps. Quand je fais le bilan, ce constat m'époustoufle: j'étais en plein dedans il a deux semaines/trois jours/quatre mois, peu importe, le fait est qu'aujourd'hui, j'en suis loin. Nous ne sommes plus sur la même planète. Parce que c'est fini, fini, fini.
C'est là que me vient cette idée du Point de Non-Retour comme seule explication logique à la possibilité d'un écart avec ce que l'on a de plus proche.
Le Point de Non-Retour, ce n'est pas comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Parce que la goutte, quand elle déborde, c'est comme la moutarde qui monte aux nez, ça explose, là, sur le coup, on le sait, on le sent, et surtout, on le fait sentir. C'est spectaculaire, mais ce n'est pas le pire, puisqu'après tout, le vase est vidé. Et les choses, sincèrement, sortent.
Le Point de Non-Retour, c'est plus dangereux.
Parce que l'on ne le voit pas forcément. Il est insaisissable parfois. C'est juste qu'un jour, il s'est passé ce qui explique qu'aujourd'hui, je ne t'aime plus. Comme ça. A peine vu, compris. Un instant, quelque chose s'est brisé, et même si les mois passent et les heures coulent, l'amour est resté coincé dans cet instant précis, et n'a plus grandi.
On se retrouve avec un avorton, un embryon dans le coeur, l'amour n'a pas grandi, là est la tragédie, alors on ne suit plus rien, et on se casse.
On est parti. Puis dans un coin de chez soi, on y réfléchit, on fume un clope, et au coin de la rue on s'en aperçoit : on comprend mieux le comment, et le pourquoi, des planètes distinctes des gens qui s'aimaient avant. On remarque, avec le temps, qu'il y a bien un instant où tout s'était pétrifié, sans possible retour en arrière à un Eden des sentiments.
Je me suis demandé comment ça avait été possible que je me sépare de mon mari, par exemple.
Comme ça : MAIS COMMENT EST-CE POSSIBLE ?
Ahurie.
Incroyable.
J'avais dit Oui. Je m'étais perdue dans le blanc de ses yeux. J'étais pour, décidée. Que je le quitte, fasse mes valises, renonce au rêve commun semblait véritablement improbable.
Cependant quelques mois avant le fameux départ, il avait détruit tout mon atelier. Il avait pris tous les meubles, les tiroirs, les pinceaux, les perles, infimes, minuscules, les papiers, tout, tout, et avait tout balancé en un grand tas de rien par terre. Excès de rage. Si les objets peuvent se ranger, les larmes sécher sur le parquet, et la nuit d'amour suivre la journée pleine de cris, l'âme ne pardonne pas un tel geste destructeur. Symboliquement et réellement, son geste, cette bêtise-là, c'était donc mon Point de Non-Retour. Mais je ne savais pas. Je lui en ai voulu, j'ai cru pardonner, j'ai cru pouvoir rester; franchement, c'était aveugle : on ne reste pas avec quelqu'un qui s'attaque à votre atelier. Ainsi, si la rupture s'est laissée couler encore quelques mois, le truc était déjà mort.
C'est pour ça que je la trouve dangereuse, cette frontière, le Point : il semble qu'on n'en revient pas. Que ce soit impossible. Même si on veut de toutes ses forces rester, y croire encore, au final, le temps qui s'écoule n'est que celui qu'on met à admettre. Admettre que ça ne se sauve plus. Que c'est mort.
C'est comme certains qui pensent pardonner leur moitié adultère, puis se rendent compte que le temps ne fait rien à l'affaire, que certaines choses ne s'avalent pas, indigestes, et ils ne font que reculer pour mieux partir ensuite, et pour partir plus loin.
Car dans quelle mesure sommes-nous réellement capable de recoller les morceaux?
Est-ce franchement possible? Et qui le veut? Qui se laisse réparer? Qui sait réparer?
J'avais une copine qui disait, c'était drôle, que les deuxièmes chances, ça n'existe que dans les films. Que les mecs parfois devraient cesser d'en demander, et de se croire à Hollywood, puisque ça n'existe pas. Si on fait la démarche de partir, c'est qu'on ne veut justement pas de deuxième essai.
Logiquement, s'il n'y a pas de deuxième chance, ou que dans les films, c'est donc qu'il y a bien une frontière infime à laquelle il faut faire très attention. Un territoire sacré chez les gens, qu'il ne faut pas forcer, violer, enjamber.
Des hardis s'y aventurent. Par curiosité, par défi. Les pauvres : être hardis ne leur suffit plus : il faut qu'ils deviennent des sur-hommes super fort pour réussir à recoller les morceaux. Parce que y'a pas de notice, et pas de formule miracle.
Enfin, comment savoir si l'on a atteint notre Point de Non-Retour?
Vu que je sais son existence, je le guette : mais comment savoir si mes arrières-goûts amers sont les symptômes de la déchirure, ou simplement une couleuvre de plus à se manger, comme on s'en mange presque tout le temps?
C'est bien là tout le problème. Il y a un doute. Un vrai, intense, profond. L'espace de quelques heures, ou quelques jours. Ebranlé, bateau ivre, on ne sait plus.
Et c'est sans doute là le truc magique, miracle, la brèche des possibles que tous les arts ne cessent d'extrapoler, de magnifier... Ce doute que l'on ressent, ce moment où l'on tangue. L'opportunité parfaite pour nous manipuler, nous désaxer à sa guise, ou pour se laisser aveuglément mener. Pour voir.
Le moment d'ébranlement idéal pour saisir des deuxièmes chances qu'on sait même pas si elles existent.
Le couloir étroit des possibilités qu'on néglige.
Le point d'interrogation qu'on renverse en clef de Sol.
La main qu'on rattrape.
Le vide qui s'immisce et qu'on finira par laisser. Ou pas.
6 commentaires:
"Le point d'interrogation qu'on renverse en clef de Sol." Joli, ça.
toi je crois que tu sais pas qu'il y a un tas d'hommes "super hommes", tous les autres ne sont que des "super nazes", il faut que tu es du PIF ma ptite B
Bon, je vais répondre proprement - pour une fois- aux commentaires.
Merci déjà de commenter.
Phapha, ... Je sais pas trop quoi dire, merci du compliment, j'avais peur que ça fasse cul-cul, mais en même temps ça peut faire une clef de sol, un point d'interro....Enfin, on a compris.
Cher Anonyme,
Il est possible que par miracle et en dépit de toute logique statistique j'ai eu un quota d'hommes plutôt médiocres, selon un rapport quantité/qualité. Et que j'ai peu foi en leur rayon d'action.
Il est vrai aussi que par malheur, j'avais épousé une huitre. Heureusement, aujourd'hui, ça va mieux. Un peu. Jusqu'au prochain post, quoi.
merci ma chere de cette reponse propre
Merci pour cet eclaircissement, qui correspond a ce que j'avais saisi depuis mon grand Nord. Par contre j'ignorais que vous aviez epousé une huitre. Vous avez fini par la manger avec echalottes avant date de péremption j'espere.
Tout à fait.
Avec une noisette de beurre.
De ce fait, je pourrais vous parler de mes problèmes de cholestérol, mais j'y renonce.
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