samedi 28 août 2010

L'été en pente douce


Il faut croire que ce mois d'août 10 est beaucoup plus long et puissant que je ne le pensais.




Pourtant, le plan de départ était simple : après une course poursuite téléphonique avec HSBC, mon compte bloqué, mes études finies, mon mec définitivement parti, ne restait qu'un seul espoir : Paris en août. J'y ai passé suffisamment de temps, c'est-à-dire deux semaines, pour constater ce que tous savent mais peu admettent : les gens en août à Paris sont moches.

Et me dites pas non.

Déjà, il y a presque que des touristes. Ils sont pas beaux, souvent gros, et mal lookés. Puis il y a les nerds du travail. Ils ont le teint pâle, pas d'amis, peu de conversation, que du boulot en tête et de la plainte à l'âme. Puis, il y a les pauvres. Ceux qui n'ont pas pu partir longtemps, partir vraiment, ceux qui sont mal nés et qui ne connaissent pas la joie d'avoir une maison secondaire en Corse, ou au pays Basque. Dommage pour eux. Et dommage pour moi, puisque je suis eux. Alors j'ai bien essayé de changer de position, de devenir une nerd de travail qui reste à Paris en août parce que le boulot et blabla, franchement ça a failli marcher mais au bout d'un moment il a fallu voir les choses en face : les pauvres articles que j'écris, je pourrais tout aussi bien les écrire au bord d'une piscine dans un endroit de rêve, genre Les Baux de Provence. Par exemple.


Bingo.




Comme quoi, dans la vie, je sais pas s'il faut voir loin, mais au moins faut bien s'imaginer qu'une autre vie est possible, ailleurs.


Si le fait d'avoir traînassé dans les rades pourris de Paris en août m'a appris le désavantage physique des aoûtiens, la seconde moitié du mois d'août ébauche une leçon moins superficielle et bien plus difficile à saisir. Comprenez-moi : il y a deux semaines, à peu près, je me promettais quelques quatre mois d'abstinence forcée (qu'est-ce qui m'a pris de taper dans le catholicisme, allez savoir, j'allais vraiment pas bien. A chacun sa post-rupture...), des jours gris à Paris à manger le même paquet de spaghetti toute une semaine, avec pour seul espoir la promesse de comprendre mon histoire d'amour sans doute passionnelle, somme toute ridicule. Franchement, y'a mieux comme vacances.

Comment j'en suis arrivée là, je ne sais pas.




Enfin, si, un peu, mais on s'en fout des détails. Ce qui compte, ce sont les billets de train. Et ne pas l'avoir raté. Être venue sans trop savoir pourquoi. Céder au pacte du pourquoi pas, qui se révèle finalement illimité. Il y a toujours un pourquoi pas qui nous emmène n'importe où... Et me voilà à squatter un mariage dans la Haute-Gironde (je connaissais même pas l'existence d'une telle région), entourée de vignes, à m'enivrer de Bordeaux, danser le rock comme les vieux pour finalement atterrir dans la maison de tes rêves, un peu.



J'ai disparu dans un endroit où l'Iphone ne capte pas, ne sert pas, et j'ai l'impression qu'il s'est passé mille ans en dix jours. Je suis constamment entourée de gens, et pourtant je ne me suis jamais autant sentie avec moi-même. C'est ça qui est drôle : je suis enfin dans une situation qui dépasse mon propre entendement. Mon cerveau ne suit plus. J'ai rien à penser vraiment, puisque je n'ai suivi en rien ni mes plans, ni mes promesses, ni mes idées.



La mélancolie de ma rupture, je la cherche. Le matin, quand j'entends les grillons et que je vois les Alpilles à perte de vue, j'essaie de nouer mon estomac, de penser au pire, à l'amer, j'essaie de déchaîner les peurs, mais rien n'y fait : j'avale mon thé tranquille avant d'aller faire la planche dans l'eau... Ma rupture est devenue un concept qui ne m'apprend finalement qu'une chose : c'est fou ce que le cœur humain est béton. C'est fini, la peine d'amour façon 19ème siècle. Un jour, tu crois tout perdre, tu crois morfler, tu crois crever, puis les jours passent, et vite, et enfin tu te regardes de loin. Le corps qui te semblait auparavant tien s'estompe. Le sentiment de singularité et de propriété de l'autre se désabuse.

Il n'est plus fait pour moi. Déjà. Je m'en fous pour qui il est fait. Ensuite.

Les valeurs auxquelles je m'accrochais ne résonnent plus. L'histoire de son sens est vidée.




Du coup, je me pose la question de l'honnêteté envers moi-même, et la question de la lucidité.
Je sais pas comment l'expliquer plus clairement : je ne me comprends pas. Que ça aille bien, c'est douteux. Je croyais avant que je voulais passer mes dix prochaines années au moins avec un type, et maintenant il n'est pas dans le paysage actuel, et pourtant l'avenir ne m'a jamais semblé si intéressant, radieux. C'est cliché, le délire ma rupture m'a libéré, certes, et c'est surtout illogique lorsque ce n'était pas tellement désiré. Je ne me sentais pas entravée. Je me croyais bien dans cette histoire. Et là, je vois, je crois, que j'avais tout faux ; que c'était pas si cool, si fort, si tout ça. J'ai l'impression que mon cerveau a mal fait son boulot, que je ne voyais pas les choses correctement, avec lucidité. Mais enfin. Je vais pas me fouetter non plus.




On dit souvent femme varie. Pour avertir les hommes. Moi je trouve que c'est surtout entre meufs qu'on devrait se répéter ça, avec soi-même qu'on devrait se menacer et se prévenir, pour qu'on calcule à quel point on est flippante : à quel point on varie. A quel point il est difficile de s'en tenir à une idée fixe.

J'ai cicatrisé si facilement.




Ainsi, voici comment d'une convalescence urbaine sentimentale pourrie, je me retrouve à me la kiffer dans cet été en pente douce. Dans un Sud à la Giono, fantastique et improbable, avec cette sensation de donner la main à moi-même et de faire connaissance. Sans savoir où je vais. En adorant ne pas connaître - ni vouloir - demain.

C'est chelou le bonheur.


Quand même.

2 commentaires:

Busy B a dit…

le Pays Basque c'était bien :)

Anonyme a dit…

J'aime vous lire. On peut rêver et c'est ce que je recherche.
Continuez!
Merci.

Richard