vendredi 15 janvier 2010

L'insoutenable pesanteur de l'être

J'ai toujours pensé que nous, les femmes, sommes vouées à finir mégères, tandis que vous, les hommes, deviennent inévitablement des salauds.

Je pense désormais que l'on a beau être jeune, drôle, intelligent, doté d'un fort sens du second degré, d'un répertoire gonflé et d'une chouette vie sociale, il n'empêche, je finirai mégère, tu finiras salaud.
Ainsi soit-il.




Les plus sentimentales et idéalistes se tapent la tête sur les murs, hurlant : "Mais pourquoi ? " Pourquoi ?!

Bonne question.
Si je réponds parce que c'est la condition humaine, c'est bien l'un de mes post les plus courts. Allons, un effort.

Parce que, plus que la condition humaine, c'est la condition du couple.




Cette chose immonde qu'on a tant essayé d'éradiquer en 70, pour voir 15 après nos parents sagement posés dans un canapé, ensemble, avec même plus un pétard à la main, même plus une orgie dans le salon.
Parce que l'on ne peut pas nier qu'on vrille en couple mille fois plus qu'en amitié. On ne demande pas à sa copine, ou son pote, c'est qui cette méga pétasse avec qui il a passé la soirée à se marrer. Au contraire, on s'intéresse, si nos amis l'aiment, c'est bien qu'elle doit être sympa. Gardons la même fille pour l'expérience. S'il l'aime, c'est que c'est une menace. Une salope. On n'a pas envie de la connaître, on n'a pas envie qu'il la connaisse.




Adieu, possible amie. Je ne suis pas une fille comme les autres, j'ai un mec, je suis une mégère.

Mais attention, je suis pas devenue misogyne en 15 jours, et c'est là que la part des hommes surgit : nous sommes mégères parce qu'eux, salauds, font tout pour qu'on le devienne.
Petit à petit, l'homme se fait tout petit, et presque comme un enfant, il demande, par sa passivité, qu'on s'oppose, intervienne, s'insurge, mette des limites... Tandis que nous, on en met naturellement, des limites. Élévées pour éviter les drames masculins, élevées dans la prévention, on fait parle à ma main quand on se fait draguer, on évite de se faire arroser toute la soirée devant son mec par un autre, on fait attention, on rigole moins fort. Gentilles femmes bien élevées et soumises qui évitent d'être des pétasses. En voie vers la phase mégère.




Les salauds ne se sont jamais fait draguer de leur vie, on dirait. Ils n'ont jamais vu de fille, on dirait. Les coups vaches, connaissent pas. C'est pour ça qu'ils se délectent à se laisser approcher, draguer, encensser, applaudir par les rires, consacrer par le désir. Élevés dans l'habitude maternelle d'avoir une main qui surgit de nulle part, qui lui dit Mais tu te fous de ma gueule, on rentre maintenant. Élevés par des mères. Des mégères.

Je sais bien qu'on peut penser que j'exagère et que tout ça n'est que cliché. Bah j'espère bien. En attendant, c'est dingue comme en criant, on obtient bien plus qu'en chuchotant, avec les garçons.

Crier, c'est un truc de mégère, nan ?

La question qui me taraude donc depuis quelques temps, et maintenant quelques lignes, c'est si ma humble personne va pouvoir échapper à ce schéma-là, de merde, déprimant. Vais-je pouvoir rester légère, drôle, fine, séductrice, comme j'essayais de l'être au début ?
Presque impossible.
Presque.
Parce que c'est dans la nature même du couple, à cause d'un foutu truc qui s'instaure et contre lequel on ne peut rien, parce que c'est le pire, et le meilleur aussi : l'intimité.




Il n'y a qu'au nom de l'intimité qu'on se traine par terre en pleurant, qu'au nom de l'intimité qu'on se laisse aller, qu'au nom de l'intimité qu'on met un grand tee-shirt pour dormir, qu'au nom de l'intimité que l'on croit connaître l'autre, et que soudainement l'on projette nos pensées sur l'autre et qu'on a du mal à l'entendre s'il ne crie pas, ne pleure pas, n'impose pas sa voix.

Tristesse de l'intimité qui fait que vous me dites désormais "tu".
Tristesse de l'intimité qui fait que l'on sait qu'on risque de se voir demain, et que tu te rattraperas si je ne jouis pas.
Tristesse de l'intimité qui ose montrer ses déprimes.

Mais sans, on n'est rien. En soi. En tant qu' individu.
Sauf un être social qui séduit comme sur le papier, baise comme il faut, réagit convenablement, ne se laisse jamais aller.




Horreur de ne jamais se laisser aller.
Horreur de ne jamais pouvoir dormir en tee-shirt.
Horreur de toujours garder ses lentilles.
Horreur de ne pas pouvoir piquer une crise.
Horreur de me dire "vous", quand je te dis "tu".




3 commentaires:

La Souris a dit…

L'horreur est si tentante, malheureusement.

Kikouze a dit…

Ayant trouvé ton blog par le hasard qu'on appelle salement "Google", c'est un plaisir de te lire.

Il faut l'avouer, je suis tombé sur ton blog pendant ma période de révision. On plaisantait avec un pote quand on a voulu chercher une définition de "bifle" (très fin je te l'accorde, mais bon, on est des mecs). On s'est bien marrés pour le coup.

Depuis, je lis un peu de ta vie, de tes pensées ("de ton âme", si j'osais) et j'aime ton style posé et réfléchi. Et j'aime vraiment aussi le fait qu'il n'y ait pas de fausseté derrière ton discours. Pas de grand discours pour un monde meilleur ou autres niaiseries hypocrites...

Merci et bonne continuation. :)

Anonyme a dit…

Pour quand un nouveau texte, Certains aimeraient pouvoir encore te lire. Tu as des fans impatients cocotte.