samedi 31 juillet 2010

Le syndrome Bergman

Une récente étude a observé que si un couple divorce, cela influence tellement son entourage qu'il incite d'autres couples à divorcer. Ce que montre cette étude, c'est que le divorce est un phénomène social, comme les tatouages, les percing, la baise avant le mariage. Le divorce peut donc devenir, au sein d'un groupe d'amis, un phénomène de mode.

Si elle le quitte pour le premier venu, une folle passion, un tic, pourquoi pas moi ?

Bonne question. Allons voir au pré d'à côté. Pousse-toi chéri, que je regarde mieux par-dessus ton épaule.

Personnellement, cette idée me semble vieille comme le monde : les décisions des autres, la vie des autres, nous ramènent sans cesse à nous-même. C'est cathartique ; grâce à eux, ou à cause d'eux, on se remet en question, on frise le risque, on flirte avec le doute. On est un peu des tapettes, vivant par procuration, ou alors des faibles influençables, ou tout simplement humains, trop humains.

Cette idée est admirablement illustrée dans Scènes de la vie conjugale, par ce monstre génial, Ingmar Bergman, qui a réussi à montrer le temps d'un film une vraie vie de couple. C'est le premier élément perturbateur du film, le lancement de l'effet domino, ce que j'appelle le Syndrome Bergman : un couple d'amis des protagonistes se sépare = ébranlement intérieur pour tout le monde. Car une fenêtre s'ouvre, un autre horizon est possible : on s'y engouffre tous.

Au début, c'est le calme charmant d'une vie ritualisée à deux. On est intellos, on lit, on assume ne pas baiser comme des porcs tous les soirs, parce qu'on est dans un confort complet. Mental, physique, l'adéquation est en équation avec nos choix. On s'est aimé, on s'est marié, passe-moi le sel et je rentre tard ce soir. Et bonne nuit chéri.





Mais à l'annonce du divorce de leurs meilleurs amis respectifs, elle est perturbée. Même trop. On dirait que c'est son couple qui s'effondre, et lui ne comprend pas. Il a du mal à la consoler vraiment, tant il ne pige pas la légitimité, la logique, la force de son effondrement. Lorsque des amis à nous se séparent, on se sépare nous-même un peu, on essaie de ne pas sombrer à cette vague d'indépendance libertaire qui approche, mais c'est comme la Révolution française : les monarchies aux alentours avaient peur qu'elle ne contamine l'Europe. Alors elles ont fait la guerre. On ne veut pas que toutes les têtes sautent, et c'est compréhensible : il la quitte pour une pauvre meuf de 20 ans. J'ai vu son profil sur Facebook, elle me désole. On a tous envie de croire que notre pote est un homme sentimentalement intelligent. A tort. Je ne parle pas de clichés là, mais d'exemples. J'en connais mille. On en connait tous mille.

On fuit le vieux bateau. On veut faire du jet. Normal. Et on croit résolument que c'est la meilleure décision à prendre, puisqu'on l'a prise ; alors on influence les autres. On veut leur ouvrir les yeux. On veut leur bien. Vraiment.

Tu n'es pas obligée de te faire chier toute ta vie avec le même problème.
Le même mec.
Tu mérites mieux.
Tu te fatigues.
C'est pas la fin du monde.
Ça fait du bien.

Si ça va plus entre vous, faut arrêter les frais.

Sans blague, sauf qu'on est pas au Casino, là.

Et franchement, l'herbe est toujours plus verte ailleurs, puisqu'on débarque avec un regard neuf. C'est comme des vacances : on kiffe tout. C'est un nouveau départ.




J'ai plutôt envie de dire que ce n'est que le début d'une vieille et même rengaine. On a juste envie d'oublier un peu le refrain.




Mais enfin, quand on n'aime plus, on n'aime plus. C'est comme ça. Sauf que je ne m'explique pas pourquoi l'affaiblissement d'un sentiment, c'est contagieux.
Limite un truc de fille : t'achètes sur ebay ? Je devrais tester. T'en as marre de ton goujat ? Moi aussi.

Je n'en connais pas la fin. Et je me demande jusqu'à quand ce sera toujours le même manège. Ouh, que je suis vieille, limite de droite, mais quand même : jusqu'à quand, fouler de nouvelles contrées ? J'ai la chance, ou la lourdeur, de faire partie de ces filles, s'il y en a beaucoup, allez savoir, qui ne trippent pas sur les débuts d'une relation. Les débuts me font chier ; tout ce qui ne va pas en profondeur des choses m'ennuie. Donc les flirts débiles où l'on mord sa langue plutôt que d'aboyer son avis, le flou artistique amoureux dans lequel tout le monde se complaît aux prémisses d'une histoire, très peu pour moi.

Or, évidemment que je me suis déjà barrée comme ça, pour un rien, pour un autre, pour me faire un smoothie d'herbe fraîche, parce que ma culotte mouillait plus pour un inconnu idiot.

Mais ça s'arrête quand, ce manège ?

Jamais ?

J'en connais des couples qui se sont trouvés. Qui sont époustouflants tellement ils sont beaux ensemble. Qui sont des références pour nous, enfin pour moi, enfin pour celles qui vivent des couples branlants et loin d'être purement cinématographiques.

Par exemple, mon frère a réalisé ce clip :


Gush - Let's Burn Again


Pleins de couples câlins et que tout le monde se roulent des pelles était la seule instruction pour les figurants J'étais figurante sur le tournage ce jour-là. Avec mon mec. C'était très cool, on a bu de la bière, mangé des tomates et de chips. On s'est roulé des pelles. Un peu gênés. On a fait comme on a pu, un peu mais pas trop, on a essayé d'être beaux mais on ne saura jamais ce qu'on donne sur papier glacé. Nous n'avons pas été sélectionné au montage. A croire qu'on n'est pas cinématographiques-photogéniques-romantiques. On est simplement pudiques je crois. Bref. Y'en a qui y arrivent.

On était entouré de ces couples qui y arrivent très bien : se fouiller la bouche à fond. Se toucher partout.

Des couples décomplexés de ce qu'ils sont. Aware.

Des références.
Des couples hyper cool.




Des couples qui semblent forts.



Des couples beaux.



Et lorsque le bruit court d'une séparation proche, lorsque des amis flanchent, hésitent, frémissent à nous foutre les jetons, on se retrouve à dîner, nous le petit couple coupé au montage, et à en débattre. A essayer de comprendre. Voir les intérêts, les limites, et peut-être que malgré nous on en rêve, on se le fantasme, on n'en a pas forcément envie mais enfin, un tel départ, c'est une occasion en or : le pur amour du risque.

On enclenche le lave-vaisselle, on va dans le salon mater un film.

Et l'on reste en suspend : à qui le tour ?


1 commentaire:

Nana a dit…

"J'ai la chance, ou la lourdeur, de faire partie de ces filles, s'il y en a beaucoup, allez savoir, qui ne trippent pas sur les débuts d'une relation."

Je pense pas qu'il y en ait beaucoup mais j'en fais partie aussi. Et je suis particulièrement pudique également (que de points communs!)
Même se tenir la main dans la rue me paraît difficile et pas naturel. Ca m'a rendu jalouse des autres couples, et je me questionne toujours sur l'authenticité de mes sentiments.

Fin bref, chouette clip (même si ça manque un peu de gays quand même)